Application de la prescription quinquennale entre co-constructeurs

La troisième chambre civile de la Cour de cassation a mis un terme aux incertitudes qui régnaient s’agissant de la prescription applicable en matière de recours entre co-constructeurs. Quid de la prescription décennale ou celle de droit commun ?
L’arrêt rendu le 16 janvier 2020 (pourvoi n° 18-25.915) s’est prononcée en faveur de la prescription quinquennale s’agissant du recours entre co-constructeur, ayant pour effet de modifier le point de départ de l’action récursoire.
En l’espèce, un constructeur était chargé de la réalisation d’un immeuble. Dans le cadre de cette opération de construction, sont intervenus un architecte et un carreleur, assurés en responsabilité civile et décennale par une compagnie d’assurance.
Les travaux ont été réceptionnés le 23 décembre 1999.
Le Syndicat des copropriétaires a, par actes en date des 17, 28 décembre 2009 et 25 janvier 2010 fait citer les constructeurs et l’assureur décennal invoquant l’absence de dispositif d’évacuation des eaux pluviales sur la terrasse d’un appartement et de l’existence de traces sur certaines façades de l’immeuble.
L’ordonnance de référé du 9 février 2010 a désigné un expert.
Par acte du 11 décembre 2013, le Syndicat a assigné l’architecte en indemnisation, ce dernier ayant fait citer à son tour le co-constructeur carreleur et l’assureur décennal.
La Cour d’appel a indiqué que l’action en garantie de l’entreprise principal envers le carreleur était prescrite sur le fondement de l’article 1792-4-3 du Code civil. Elle soutient que l’action entre co-constructeur est prévue par la prescription décennale ayant pour point de départ la date de réception des travaux.
Elle souligne le fait que la réception des travaux est intervenue le 23 décembre 1999 et que le co-constructeur carreleur a été assigné en référé le 28 décembre 2009 soit postérieurement à l’expiration du délai décennal. Pour autant, force est de relever que le recours d’un constructeur contre un autre constructeur a pour objet de déterminer la charge définitive de la dette que devra supporter chaque responsable au titre des malfaçons ou dommages de nature décennal.
Il convient de se demander si le recours d’un constructeur contre un autre constructeur est régi par la prescription décennale soumis à la date de réception des travaux ou à la prescription quinquennale de droit commun compte-tenu du régime contractuel ou quasi-délictuelle qui lient les parties.
La troisième chambre civile a rappelé que délimiter l’action de recours entre co-constructeurs sur le régime de la prescription décennale et par conséquent, « fixer la date de réception des travaux comme point de départ du délai de prescription de l’action d’un constructeur contre un autre pourrait avoir pour effet de priver le premier, lorsqu’il est assigné par le maître de l’ouvrage en fin de délai d’épreuve, du droit d’accès à un juge ».
La Cour affirme que le « recours d’un constructeur contre un autre ou son sous-traitant relève des dispositions de l’article 2224 du code civil se prescrivant ainsi par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer. »
La troisième chambre civile en a donc déduit que le point de départ de la prescription de l’action du constructeur contre le carreleur est l’assignation en référé-expertise délivrée par le maître d’ouvrage à l’entrepreneur principal et a, par conséquent cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel de RIOM. Cet arrêt a clarifié les modalités de recours entre co-constructeur et a permis de définir le régime de prescription applicable.
Il convient de préciser que la troisième chambre s’était déjà prononcée lors de l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 jugeant ainsi « que le point de départ du délai de l’action d’un constructeur contre un autre constructeur n’était pas la date de réception de l’ouvrage » (1).
De même, elle avait jugé que « l’assignation en référé-expertise délivrée par le Maître de l’ouvrage à l’entrepreneur principal met en cause la responsabilité de ce dernier et constitue le point de départ du délai de son action récursoire à l’encontre des sous-traitants » (2).
C’est donc en toute logique que la Cour de Cassation a retenu la prescription de droit commun.
Toutefois, on ne peut que s’inquiéter des instances judiciaires actuellement en cours et notamment des actions récursoires que devront engagées l’entrepreneur principal à l’encontre des autres constructeurs et de ses sous-traitants qui pourraient être prescrites.
(1). 3e Civ., 8 février 2012, pourvoi n° 11-11.417, Bull. 2012, III, n° 23
(2). 3e Civ., 19 mai 2016, pourvoi n°15-11.355
réf. : SETTEMBRE (S.), "Application de la prescription quinquennale entre co-constructeurs", Doctrin'Actu mars 2020, art. 124
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