Baux commerciaux : Bailleurs ne subissez pas le plafonnement du déplafonnement
Dernière mise à jour : 29 août 2019

Par Me Frédéric DAGRAS - Avocat Associé chez ALTIJ
Département Droit des Personnes et du Patrimoine
L'article L. 145-34 alinéa 4 du Code de commerce instauré par la loi 2014-626 du 18 juin 2014 prévoit, dans une volonté de protection toujours plus poussée du locataire commercial, une limitation annuelle de 10% à l’augmentation du loyer suivant le déplafonnement :
« la variation de loyer qui découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente ».
Cette limitation n’intervient que dans deux cas de déplafonnement des loyers limitativement énumérés :
1. La modification des éléments constitutifs du loyer : l’article L. 145-33 du Code de commerce prévoit, sauf accord contractuel contraire, les éléments permettant de déterminer la valeur locative d’un fond. Ainsi seront pris en compte : les caractéristiques du local, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués par le voisinage.
Si la notion de prix ne rentre pas en compte pour justifier un déplafonnement, les autres facteurs, s’ils sont modifiés substantiellement, permettront de demander un déplafonnement du loyer commercial. A ce déplafonnement s’appliquera corrélativement la limite posée par la loi Pinel.
2. Les baux conclus pour une durée initiale supérieure à 9 ans : En effet les baux dont la durée est supérieure à neuf ans profitent d’un déplafonnement de droit de leurs loyers. A ce déplafonnement s’appliquera également la limitation de la loi.
L’étalement de l’augmentation du loyer déplafonné par palier de 10% du loyer de l’année précédente ne sera pas applicable aux baux des locaux monovalent, à usage de bureaux ou tous autres baux obéissant à un régime autonome de fixation de loyer.
Cet échelonnement ne s’applique pas non plus au déplafonnement en raison d’une durée du bail excédant 12 ans par l’effet d’une prorogation tacite.
Mais, une question reste centrale : cette règle de plafonnement est-elle coercitive pour le bailleur ?
La Cour de cassation a déjà jugé à maintes reprises que l'article L. 145-34 du code de commerce n'est pas d'ordre public [1]. Elle a également pu préciser, que le dernier alinéa du même article prévoyant l'étalement du loyer n'est également pas d'ordre public et que les parties peuvent convenir de ne pas l'appliquer [2].
Ainsi, bailleurs faites attention à la rédaction de votre contrat de bail commercial.
En effet, si le plafonnement des loyers commerciaux poursuit un but au demeurant noble de sécurisation des locataires, une règle aussi coercitive ne doit pas pour autant vous être imposée.
C’est en effet aux parties de choisir de laisser faire cette disposition légale ou non.
Pour éviter toutes déconvenues ou contentieux superfétatoires a postériori, veillez bien à ce qu’une clause écartant expressément cette limitation soit insérée pour vous protéger d’une limitation du déplafonnement de votre loyer commercial.
En tout état de cause les avocats d’ALTIJ vous accompagnent dans la rédaction de tous vos baux commerciaux grâce à leurs expertises poussées en la matière.
[1] Civ. 3e, 4 mars 1998, n° 96-16.671, AJDI 1998. 620 ; ibid. 621, obs. J.-P. Blatter; RDI 1998. 429, obs. F. Collart-Dutilleul et J. Derruppé; RTD com. 1998. 578, obs. J.-C. Dubarry et E. Loquin ; 27 oct. 2004, n° 03-15.769, D. 2004. 3071, obs. Y. Rouquet.
[2] Cass. civ., 3ème, 9 mars 2018, n°17-70.040.
Autres sources :
- Article L. 145-34 du Code de commerce ;
- BLATTER (J.P.), « Lissage du déplafonnement et office du juge », AJDI 2018. 603 ;
- MEMENTO EXPERT, Baux commerciaux 17-18, Editions Francis Lefebvre ;
- C.cass, Civ. 3e, 4 mars 1998, n° 96-16.671.
réf. : DAGRAS (F.), "Baux commerciaux : Bailleurs ne subissez pas le plafonnement du déplafonnement", Doctrin'Actu juillet 2019, art. 78