"Clause Molière" dans le règlement de consultation d'un marché public
Dernière mise à jour : 17 août 2019
CE 8 fév. 2019, Société Veolia Eau - Cie générale des eaux et SIAAP, n° 420296 et 420603
(disponible sur Ariane Web)
La société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux est désignée attributaire d'un marché public d'exploitation d'une usine d'épuration pour une durée de douze ans. Le Préfet de la région Ile-de-France conteste la légalité de ce contrat et le défère devant le Tribunal administratif de Paris afin d'en obtenir l'annulation. Étant ici précisé qu'à ce déféré se joint la société Suez Services France, candidat évincé.
Le juge des référés du Tribunal administratif de Paris rejette ce déféré préfectoral ainsi que l'intervention de ladite société évincée.
Le Préfet et la société Suez Services France interjettent alors appel de cette ordonnance. La Cour administrative d'appel de Paris conclut à l'admission de l'intervention du candidat évincé ainsi qu'à la suspension de l'exécution du marché public litigieux.
Les parties audit contrat, la société Veolia Eau et le Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne (SIAAP), se pourvoient en cassation.
A titre liminaire, le Conseil d’État a pris soin de rappeler la règle issue de la célèbre jurisprudence Tarn-et-Garonne (1) :
" Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l’État dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d'une demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution du contrat. Le représentant de l’État dans le département peut assortir son recours d'une demande de suspension sur le fondement des dispositions citées ci-dessus du quatrième alinéa de l'article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales, auquel renvoie l'article L. 554-1 du code de justice administrative. " (consid. 4)
Dans les documents de consultation du marché litigieux figurait une clause intitulée "Langue et rédaction des propositions et d'exécution des prestations" selon laquelle :
" La langue de travail pour les opérateurs préalables à l'attribution du marché et pour son exécution est le français exclusivement. " (art. 8.5 du règlement de consultation).
Le Conseil d’État finit par annuler l'arrêt d'appel. En effet, en estimant que le moyen tiré de la contrariété de l'article 8.5 du règlement de consultation avec les libertés fondamentales garanties par le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne était de nature à créer un doute sérieux sur la validité du contrat (consid. 7), la Cour a dénaturé les pièces du dossier.
Autrement posé, une clause de langue française, dite "clause Molière", peut figurer dans un règlement de consultation d'un marché public à condition qu'elle ne concerne que les relations entre les parties au contrat. Elle ne s'impose pas aux acteurs étrangers susceptibles d'intervenir dans l'exécution du contrat.
(1) CE Ass., 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994.
réf. : Pôle droit public, "'Clause Molière' dans le règlement de consultation d'un marché public", Doctrin'Actu février 2019, art. 33
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