Creative Commons : petit guide pratique
Dernière mise à jour : 29 août 2019

Le droit d’auteur est le droit dont dispose le créateur sur son œuvre.
Ils sont de deux ordres :
des droits patrimoniaux qui lui permettent d’exploiter économiquement son œuvre (cession, licence) ;
des droits moraux qui garantissent à l’auteur le respect de son nom et de celui de son œuvre (ils doivent être cités et non déformés) ainsi que l’intégrité de l’œuvre (elle ne doit pas être détourner de son sens/but).
Le droit d’auteur est un droit très protecteur. Il empêche tout tiers de reprendre une œuvre à son compte et de l’utiliser à ses propres fins sans l’autorisation de l’auteur (ou de ses ayant droit). Inspirée par les licences open source ayant cours dans le domaine de la programmation informatique, une association s’est constituée pour ouvrir la voie aux autres œuvres.
I. Présentation
Creative Commons est une organisation américaine créée en 2001 qui vise à faciliter la diffusion d’œuvres soumises au droit d’auteur. Elle propose aux créateurs six « licences CC » qui leur permettent de partager largement leurs créations tout en leur garantissant (autant que possible) les droits qu’ils se réservent.
a. Les pictogrammes
Pour rendre ces licences simples d’utilisation, l’organisation a mis au point un système d’identification des droits accordés (ou des obligations à respecter) à travers un jeu de quatre pictogrammes :
b. Les six licences CC existantes
La combinaison des différents pictogrammes (et donc des droits associés) a permis de créer six différentes licences CC :
(Les pictogrammes, logos et licences étant eux-mêmes diffusés par Creative Common sous la licence CC-BY-SA. De cette manière les textes et images, et donc les droits associés, ne sont pas modifiables par un tiers).
Les contrats auxquels ces logos font référence sont eux-mêmes accessibles sur leur site. Or, tout le monde entendra qu’il est impossible de résumer plusieurs pages de contrat en trois pictogrammes. Et tout bon juriste aura à cœur d’aller étudier ces textes. Il est recommandé, et impératif, à toute personne souhaitant utiliser professionnellement ces licences d’aller chercher ces contrats et de les étudier. Notons en plus qu’ils évoluent régulièrement : nous en sommes à la version 4.0.
Ci-dessous, quelques indications supplémentaires sur leur contenu.
II. Les obligations de l’utilisateur de ressources diffusées par un tiers
Une ressource mise à disposition sous licence CC n’autorise pas tout. Il faut respecter les termes de la licence et donc veillez à sélectionner une ressource diffusée sous une licence compatible avec le projet pour lequel elle est destinée.
a. L’attribution de l’œuvre [BY]
Toutes les licences prévoient « l’obligation d’attribution » qui consiste à citer le nom de l’auteur (il s’agit d’ailleurs d’un droit d’ordre public) ainsi que le titre de l’œuvre, mais aussi si c’est possible, de préciser la licence sous laquelle elle est distribuée.
Ces informations doivent être fournies « de manière appropriée au support ou au média [utilisé] ». Concrètement on peut imaginer approprié que le nom du photographe soit indiqué en plus ou moins gros à côté (voir au dos) de la photographie, que les noms seront cités dans les crédits de la vidéo ou dans les bas de page des textes…
b. La modification/non modification de l’œuvre originale [ND]
Pour pouvoir modifier une œuvre, il faut déjà que la licence ne présente pas l’élément [ND] (pas de modification).
A la lettre du Code de la propriété intellectuelle (CPI), cela signifierait qu’il serait interdit de changer son support ou son format. La licence ND autorise explicitement le changement de format (ex : .doc vers .pdf) ou encore de l’intégrer, à l’identique dans une autre œuvre (entendu sans en changer la signification).
Dans le cas inverse, si la licence permet la modification de l’œuvre et qu’elle a été modifiée dans le cadre du projet, reste une obligation de mention particulière : il faut que dans les crédits ou sur la ressource elle-même soit précisé que l’œuvre a été modifiée et attribuer l’œuvre originale (nom de l’auteur et titre de l’œuvre).
c. L’usage non commercial [NC]
L’interdiction de l’usage commercial d’une ressource est indiquée par l’élément [NC] (pas d’exploitation commerciale).
La notion d’exploitation commerciale est appréciée très largement et définie dans les licences CC par « l'intention ou l'objectif d'obtenir un profit commercial ou une compensation financière personnelle ». La focal est large. Il faudra attendre que le juge se prononce sur le périmètre de cet article pour pouvoir pleinement l’apprécier.
Toutefois, peut-être est-il possible de prendre comme clé d’analyse la notion de « vie des affaires » ressortie sur la jurisprudence de contrefaçon de marque. Depuis la fameuse décision communautaire Arsenal football club [1], il est établi qu’il y a contrefaçon de marque dès quelle est utilisée, sans le consentement de son titulaire, dans la vie des affaires. La vie des affaires se rapportant au « contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique et non dans le domaine privée ».
La Cour d’appel de Paris, approuvée par la Cour de cassation, ayant elle-même considérée que la notion d’activité commerciale « ne peut cependant s’entendre comme couvrant les seules opérations commerciales conduites par des personnes physiques ou morales commerçantes, mais doit s’entendre comme englobant les opérations qui s’inscrivent dans le domaine économique et visent à l’obtention d’un avantage direct ou indirect de nature économique » [2].
d. Le partage à l’identique [SA]
Cette attribution est calquée sur le modèle des licences « contaminantes » que l’on connait dans le monde de l’open source. L’intégration d’une ressource distribuée sous licence CC-SA dans une nouvelle création oblige à distribuer cette nouvelle œuvre (considérée dans son ensemble) dans les mêmes conditions que celles de la ressource empruntée.
III. Diffuser une œuvre sous licence CC
a. Portée de la licence
Une fois qu’une œuvre est distribuée sous licence CC, la maîtrise de sa distribution échappe à son auteur. Il faut donc partir du principe que le choix est irrévocable. Car même s’il est possible de modifier les conditions d’accès et d’utilisation de la source originale, toute personne y ayant eu accès préalablement pourront continuer à la distribuer dans les conditions de la licence première.
Ensuite, la licence interdit de poser des mesures techniques de protection qui en empêcheraient l’utilisation et la diffusion, ces mesures étant contraires à l’esprit même des licences.
Enfin, le diffuseur d’une création ne pourra interdire à personne en particulier de la reprendre tant qu’elle en respecte les termes. Toutefois, les licences CC réservent à l’auteur le droit de demander directement à l’utilisateur qu’il procède à des mesures d’anonymisation, c’est-à-dire que son nom, le titre, la source du document, n’apparaissent pas.
b. Formalisme
Il n’y a pas de procédure obligatoire, mais il est évident qu’il ne faille laisser la moindre ambiguïté sur la licence utilisée. Il semble suffisant d’apposer simplement le logo de la licence choisie. Il est toutefois plus protecteur de renvoyer au texte de la licence par un lien et de préciser la version de la licence (ex : 3.0 ou 4.0).
[1] CJCE, 12 novembre 2002, C-206/01, Arsenal football club ;
[2] CA Paris, pôle 5 – ch. 2, 12 mars 2010, n°08-15025.
réf. : HERPIN (F.), "Creative Commons : petit guide pratique", Doctrin'Actu avril 2019, art. 52