Décision du CSA du 31 juillet 2019 Free c. BFM TV
Dernière mise à jour : 4 oct. 2019

Par courrier du 20 février 2018, les sociétés BFM TV, RMC et Diversité TV (groupe NextRadioTV), éditrices de chaînes de télévisions, annoncent à la société Free, distributeur de ces services sur son réseau propre, leur intention de renégocier les termes du contrat les liant. L’éditeur demande notamment une contrepartie financière.
Le distributeur n’est pas fermé au principe d’une rémunération conditionnée à la fourniture de « services à valeur ajoutée de ceux déjà proposés sur le réseau TNT gratuit ou sur Internet, pour conclure qu’en l’état les conditions financières évoquées […] paraissaient trop élevées eu égard aux services associés proposés ».
Le 1er avril 2019, l’éditeur de chaînes de télévision saisit le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) sur le fondement de l’article 17-1 de la loi Léotard [1] d’une demande de règlement de différent né du refus du diffuseur d’accepter les conditions financières demandées.
L’éditeur fonde sa demande sur deux moyens principaux :
Priver le consommateur de ces chaînes de télévision constituerait une « atteinte au caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion […] et à la qualité et à la diversité des programmes » ;
Le diffuseur ayant déjà conclu des accords commerciaux avec des sociétés éditrices concurrentes, son refus porte atteinte au principe de non-discrimination.
1. Sur le premier moyen
Il ressort de la loi de 1986 que le « caractère pluraliste » et la « qualité [et la] diversité des programmes » sont des droits, négativement définis, du téléspectateur ; en effet, le CSA est compétent pour s’assurer qu’aucune atteinte ne leurs sont portés.
Toutefois, l’autorité administrative indépendante remarque que les services de télévision proposés par le demandeur sont facilement accessibles aux usagers, notamment par le biais de « leur diffusion ou distribution gratuite emprunt[ant] la voie hertzienne terrestre, la voie satellitaire […] ». De même, les services de rediffusion (pour lesquelles le CSA n’est pas compétant) sont accessibles sur les sites Internet de l’éditeur.
Le CSA en conclut qu’aucune atteinte au caractère pluraliste des programmes n’est portée et rejette le moyen présenté de l’éditeur.
2. Sur le deuxième moyen
Le demandeur, bien informé, demande au CSA de se faire communiquer les contrats commerciaux conclus entre le distributeur et deux autres éditeurs (les groupe TF1 et M6) contenant sans aucun doute des conditions tarifaires qui lui seraient refusées.
Dans ses développements liminaires, le CSA rappelle qu’en vertu d’une décision du 7 décembre 2011 du Conseil d’Etat [2] le règlement de différends doit être conciliés sans remettre en cause la liberté contractuelle dont disposent les éditeurs et distributeurs de services audiovisuels.
De plus, l’autorité administrative rappelle qu’il n’existe aucune disposition dans la loi de 1986 obligeant un distributeur à diffuser le contenu d’un éditeur sur ses réseaux propres et que « la circonstance que la société Free distribue et commercialise […] d’autres éditeurs, n’implique aucune obligation de contracter avec d’autres éditeurs qui souhaiteraient également être distribués au sein de ses offres de services ». Enfin, le distributeur fait valoir que la part d’audience du demandeur est faible (6 % pour les diffusion et proche de zéro pour les services de rediffusion) par rapport à celles des deux éditeurs qu’il a consenti à rémunérer (respectivement 25% et 13 % pour les diffusions linéaires et 59% et 45% pour les rediffusions).
Le CSA conclu que le distributeur « a suffisamment établi l’existence d’une différence de situation entre les différents éditeurs justifiant le rejet de l’offre proposée et qu’il s’est borné à faire usage de sa liberté contractuelle, sans méconnaître le principe de non-discrimination ».
[1] Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dite loi Léotard
[2] CE, 7 décembre 2011, n°321349
réf. : HERPIN (F.), "Décision du CSA du 31 juillet 2019 Free c. BFM TV", Doctrin'Actu septembre 2019, art. 92
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