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« Danthonysation » de l’irrégularité du rejet du recours CNAC pour irrecevabilité

Dernière mise à jour : 29 août 2019


Par un avis n°425854 du 15 avril 2019, le Conseil d’Etat précise l’office de la cour administrative d’appel saisie d’un recours en excès de pouvoir contre un permis de construire en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale.


Pour mémoire, on peut brièvement rappeler :

  • qu’un permis de construire vaut autorisation d’exploitation commerciale lorsqu’un projet de création ou d’extension d’une surface de vente de magasin de commerce détail est soumis tout à la fois à permis de construire et autorisation d’exploitation commerciale et que ledit projet a fait l’objet d’un avis favorable de la CDAC [1], ou, le cas échéant de la CNAC [2] (cf. article L. 425-4 du code de l’urbanisme [3]) ;

  • dans le cadre de l’instruction de ce permis de construire, la CDAC est saisie pour avis conforme ;

  • en cas d’avis favorable de cette CDAC, les personnes susceptibles d’être affectées par le projet[4]doivent saisir la CNAC dans le délai d’un mois et dans le respect des conditions fixées aux articles R. 752-30 et suivants du code de commerce [5] : il s’agit d’un recours administratif préalable obligatoire (un « RAPO ») ;

  • l’avis de la CNAC ne se substitue à l’avis favorable de la CDAC si et seulement si le recours introduit par devant la CNAC : 1. l’a bien été par les personnes susceptibles d’être affectées par le projet au sens de l’article L. 752-17 du code de commerce ; 2. a été réalisé dans le délai d’un mois (dans les conditions fixées à l’article R. 752-30 du code de commerce) ; 3. respecte les conditions fixées aux articles R. 752-30 et suivants du code de commerce, et plus précisément : modalités de calcul du délai de recours d’un mois, motivation et justification de l’intérêt donnant qualité à agir du requérant, règles relatives à notification du recours. Il s’agit des conditions de recevabilité [6] de ce recours administratif préalable obligatoire (RAPO) auprès de la CNAC.

Par suite, le Conseil d’Etat, dont on peut rappeler un précédent avis contentieux rendu en matière de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale (avis n° 398077 du 23 décembre 2016) apporte dans l’avis présentement commenté les précisions ci-après :


Tout d’abord, la contestation de la régularité et/ou du bien-fondé de l’autorisation d’exploitation commerciale ne peut être réalisée qu’à l’appui du recours contre le permis de construire en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale.


En ce sens, l’avis favorable de la CNAC (implicite ou explicite) ne peut être contesté qu’à l’appui d’un recours en annulation contre le permis de construire en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale par les personnes qui sont susceptibles d’être affectées par le projet au sens de l’article L. 752-17 du code de commerce précité.


Plus largement, tout acte pris par la CNAC constitue un acte préparatoire insusceptible de recours contentieux.


A titre d’illustration, l’acte par lequel la CNAC rejette le recours porté devant elle pour irrecevabilité ne pourra être contesté dans sa régularité et dans son bien-fondé qu’à l’appui d’un recours en annulation contre le permis de construire en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale.


Ensuite, la cour administrative d’appel territorialement compétente pour connaître du recours contre le permis de construire en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale [7] doit s’assurer (et le cas échéant « moper ») d’une part, de ce que le requérant est susceptible d’être affecté par le projet [8], et, d’autre part, de ce que ce requérant a bien exercé le RAPO devant la CNAC contre l’avis favorable de la CDAC ;


Plus important, et c’est, nous semble-t-il, le cœur de cet avis, si la CNAC a rejeté le recours porté devant elle pour irrecevabilité, et que la cour administrative d’appel conclut à l’irrégularité de ce rejet, cette irrégularité ne sera susceptible d’entacher la légalité de la procédure préalable à l’obtention du permis querellé que si et seulement si « cette irrégularité est susceptible d'avoir eu une incidence sur le sens de la décision attaquée, l'obligation de saisir préalablement la Commission nationale d'aménagement commercial avant toute introduction d'un recours contentieux ne constituant pas, en tout état de cause, une garantie pour les personnes intéressées » au sens de la jurisprudence « Danthony » rendue par l’Assemblée du Conseil d’Etat le 23 décembre 2011 (n°3350033).


A noter ici que le Conseil d’Etat ouvre une brèche pour mieux la refermer en tranchant d’emblée la question de savoir si le rejet du RAPO pour irrecevabilité est susceptible de constituer une garantie pour les personnes intéressées : en effet, le RAPO n’est – selon lui – manifestement pas susceptible de priver les intéressés d’une telle garantie.


Le requérant ne pourra donc se prévaloir que de l’incidence de cette irrégularité sur le sens du permis valant autorisation d’exploitation commerciale postérieurement délivré.


La fenêtre de tir du requérant se révèle par conséquent extrêmement étroite : il devra démontrer que son RAPO était recevable mais surtout démontrer l’impact que ce rejet pour irrecevabilité est susceptible d’avoir eu sur l’instruction et la délivrance du permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale.


Magnanime, le Conseil d’Etat nous indique alors une piste à suivre résultant de l’évidente analyse des circonstances de l’espèce : il s’agit de la teneur des autres RAPO éventuellement portés devant la CNAC qui pourra effectivement constituer un appui pertinent à la démonstration de l’incidence de l’irrégularité en cause sur l’instruction et la délivrance du permis querellé.


Néanmoins, en l’absence d’autres RAPO introduits devant la CNAC par d’autres personnes susceptibles d’être affectées par le projet, on comprend que dans ce contentieux également les requérants vont devoir « sortir les rames » de plus fort avant d’espérer vaincre à la Pyrrhus.


Enfin, le Conseil d’Etat conclut que le vice de procédure ainsi « danthonysé » entachant d’illégalité le permis querellé ne fait évidemment pas obstacle – en principe – à la mise en œuvre par le juge administratif des pouvoirs de régularisation qu’il tire de l’article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.


 

[1] Commission départementale d’aménagement commercial


[2] Commission nationale d’aménagement commercial


[3] Dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite « Loi Pinel I »


[4] Au sens de l’article L. 752-17 du code de commerce : « tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association »


[5] Conditions et point de départ du délai, notification au bénéficiaire etc…


[6] A noter toutefois que le rapporteur dans le cadre de l’analyse des requêtes, distingue la forclusion de la recevabilité et opère les vérifications qui suivent préalablement à la l’analyse du fond : désistement, incompétence, non-lieu à statuer, irrecevabilité, forclusion


[7] Art.L. 600-10 du code de l’urbanisme et R. 311-3 du code de justice administrative


[8] Toujours au sens de l’article L. 752-17 du code de commerce précité



réf. : TAUPENAS (M.), "« Danthonysation » de l’irrégularité du rejet du recours CNAC pour irrecevabilité", Doctrin'Actu mai 2019, art. 59



Crédit photo : © Unsplash - www.unsplash.com

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