La circulation des documents publics dans l’Union européenne
Dernière mise à jour : 16 mai 2020
Règlement UE n° 2016/1191 du 6 juillet 2016 entré en application le 16 février 2019
(Aperçu rapide)
Par Richard M. CRÔNE,
Notaire honoraire,
Certificats de spécialisation en Dip et droit communautaire,
Consultant, étude Lacourte et associés.
Le 16 février dernier est entré en application le règlement UE 2016/1191 du 6 juillet 2016, visant à faciliter la circulation des actes publics dans l’Union européenne.
Ce règlement a beaucoup moins fait parler de lui que les deux règlements « régimes matrimoniaux » et « régimes patrimoniaux », entrés en application le 29 janvier 2019, mais il n’en présente pas moins un réel intérêt pour les citoyens européens, en facilitant la circulation des documents publics dans l’Union européenne, en les dispensant de toute formalité de légalisation ou d’apostille.
La reconnaissance et la confiance mutuelles qui prévalent en Europe aujourd’hui entre les différents Etats membres autorise désormais ce type d’instruments, dont l’objectif principal est de faciliter la vie des citoyens européens.
Non content de cela, la vie des professionnels du droit, dont au premier chef les notaires, s’en trouve également considérablement simplifiée. C’est par conséquent une initiative heureuse, qu’il convient de souligner.
Il y a là un réel progrès au regard de la Convention de La Haye sur la légalisation simplifiée sous forme d’apostille qu’avait réalisée ce texte et qui a été ratifiée par 117 Etats dans le monde, dont en dernier lieu le Maroc.
Ce règlement, comme il est désormais d’usage, fait suite à un Livre vert présenté en 2010 par la Commission européenne. Aux termes de ce dernier, trois grands axes de réflexion ont été suggérés pour faciliter la circulation des documents publics entre Etats membres : la suppression de la légalisation et de l’apostille, la limitation des traductions pour les documents publics et la coopération entre autorités nationales entre les autorités compétentes.
1. Champ d’application du règlement
a. Champ d’application général
Conformément à l’article 1erdu règlement, celui-ci a vocation à s’appliquer (art. 1er) à certains documents publics qui sont délivrés par les autorités d’un Etat membre et qui doivent être présentés aux autorités d’un autre Etat membre.
Sont exclus de ce dispositif les documents publics délivrés par des Etats tiers, quand bien même ces documents auraient été légalisés par un autre pays membre de l’Union européenne.
Par documents publics, il faut entendre (art. 3-1, a,) « des documents émanant d’une autorité ou d’un fonctionnaire relevant d’une juridiction d’un Etat membre, y compris ceux qui émanent du ministère public, d’un greffier ou d’un tribunal de commerce ».
A ceux-ci, il faut ajouter (art.3-1, b) les documents administratifs, les actes notariés ‘art.3-1, c), les déclarations officielles telles que mentions d’enregistrement, visas pour date certaine, certifications de signatures apposées sur un acte sous seing privé (art. 3-1, d), les documents établis par les agents consulaires ou diplomatiques d’un Etat membre.
Le considérant n° 8 qui précède le texte assimile aux documents publics les copies certifiées conformes, mais des copies de copies certifiées conformes ne peuvent être acceptées ; de même, les actes sous seing privé sont exclus du champ du règlement (consid. n° 17).
b. Champ d’application matériel
Conformément à l’article 2 du règlement, le règlement s’applique aux documents publics « dont la finalité première est Selon l'article 2, le règlement s'applique aux documents publics « dont la finalité première est d'établir l'un ou plusieurs faits suivants »…
Les matières concernant plus spécifiquement les notaires sont les suivantes : la naissance ; les certificats de vie ; le décès ; le nom ; le mariage, y compris la capacité à mariage et la situation matrimoniale ; le divorce, la séparation de corps et l'annulation du mariage ; le partenariat enregistré, y compris la capacité à conclure un partenariat enregistré et le statut du partenariat enregistré ; la dissolution du partenariat enregistré, la séparation de corps ou l'annulation d'un partenariat enregistré ; la filiation ; l'adoption ; le domicile ou la résidence ; la nationalité.
2. Mesures de simplification adoptées
a. Suppression des formalités de légalisation ou d’apostille
Conformément à l'article 4 du règlement, les documents publics relevant de son champ d’application et leurs copies certifiées conformes sont dispensés de toute forme de légalisation et d'apostille.
b. Simplification des formalités de traduction
Dans un même souci de simplification, le règlement met en place des mesures de simplification des formalités de traduction des documents publics.
Cette possibilité figure à l’article 6 du règlement.
D’abord, la traduction n’est pas demandée lorsque le document est rédigé dans une langue officielle ou expressément acceptée par l’Etat où le document est présenté.
Ensuite, la traduction ne sera pas non plus exigée si le document public est accompagné d’un formulaire plurilingue, pour autant que l’autorité à laquelle le document public est présenté (art. 7) considère que les informations figurant sur le formulaire sont suffisantes pour traiter le document public dans leur Etat.
Pour simplifier le tout, le règlement donne en annexe (d’où l’importance en volume du document, 19 pages de texte, 117 pages d’annexes…) des formulaires plurilingues types, lesquels font l’objet d’une délivrance par l’autorité habilitée à recevoir le document public.
Il est bien entendu que les formulaires fournis en annexe ne sont que des exemples, des aides à la traduction, ils sont, en tant que tels, dépourvus d’une quelconque valeur juridique.
Dès lors, ces formulaires ne peuvent être produits seuls, ils doivent nécessairement accompagner le document public lui-même.
3. Exclusion de la reconnaissance du negotium
Conformément à l’article 2-4 du nouvel instrument, celui-ci ne s’applique pas à la reconnaissance dans un Etat membre des effets juridiques attachés au contenu de documents publics délivrés par les autorités publiques d’un autre Etat membre.
Le negotium n’est donc pas concerné par les règles nouvelles issues du règlement.
4. Procédures de contrôle des documents publics dans les Etats d’accueil
Si un État a des doutes raisonnables en ce qui concerne l'authenticité du document public ou de la copie certifiée conforme, il peut prendre des mesures pour lever ces doutes (art. 14).
Au nombre de ces mesures :
L’Etat d’accueil peut opérer une vérification des modèles disponible versés au répertoire de l’IMI. L’IMI est le système d’information du marché intérieur, qui fait lui-même l’objet d’un règlement du 25 octobre 2012. Les modèles de documents publics les plus courants sont recensés par cet organisme et sont accessibles aux autorités des différents Etats membres. Par simple consultation de ces modèles, les autorités d’un Etat seront en mesure de vérifier que les conditions d’authenticité sont respectées (art. 14 a).
Si, nonobstant cette vérification, un doute subsiste, l’article 14 b peut présenter une demande d’information par l’intermédiaire de l’IMI.
Une telle demande est adressée à l’autorité qui a émis le document public ou la copie certifiée conforme ou à l’autorité centrale désignée par chaque Etat membre. La demande doit être motivée.
Conformément à l’article 14.6 du règlement, si l’authenticité du document (ou sa copie certifiée conforme) n’est pas avérée après ce contrôle, l’autorité requérante n’est pas tenue de traiter ce document (ou sa copie). Dans une telle hypothèse, l’Etat requis pourra alors exiger une légalisation ou une apostille.
Ce nouvel instrument ne peut que réjouir les juristes, qui quotidiennement ont à utiliser des documents publics au sens du règlement ou des copies certifiées conformes.
Les principes de confiance mutuelle entre Etats membres de l’Union ont permis de telles avancées.
L’Europe a souvent du bon…
On ne peut que regretter que les médias n’en aient pas parlé, ce qui aurait permis, à quelques semaines des élections européennes, d’informer les citoyens européens de ces avancées, à leur profit.
réf. : CRONE (R.), "La circulation des documents publics dans l’Union européenne", Doctrin'Actu mars 2019, art. 39