La clôture du compte bancaire ou du livret de la personne protégée
Dernière mise à jour : 26 août 2019
Par Boris LACHAUD
La Cour de cassation dans un avis du 6 décembre 2018 (Avis n° 15016 du 6 décembre 2018 - Première chambre civile) a résolu la question de la clôture des comptes bancaires et des livrets de la personne protégée en l’associant aux obligations de l’article 427 du Code civil (1) et donc en la soumettant à l’autorisation préalable du juge des tutelles quelle que soit la mesure de protection.
En l’espèce, le juge des tutelles du tribunal d’instance de Sens, saisi par l’Union Départementale des Associations Familiales de l’Yonne (UDAF) pour l’ouverture d’un compte bancaire d’un majeur sous curatelle, interroge la Cour sur la portée de l’article 427 du Code civil et plus particulièrement sur l’obligation de requérir l’autorisation du juge pour « l’ouverture, la clôture ou la modification d’un compte bancaire par une personne protégée assistée de son curateur ». En d’autres termes, doit-on relayer cette disposition au rang d’un simple acte de disposition auquel cas l’assistance du curateur suffit à la validité de l’acte ou faut-il considérer qu’il s’agit d’un acte réclamant une protection renforcée ?
Sans surprise, la Cour rappelle que, tout comme l’article 426 sur le logement familial (2), l’article 427 du Code civil fait partie des dispositions générales de la matière et, qu’en conséquence, il concerne toutes les mesures de protection. Elle étaye son propos en rappelant que cette disposition « vise la personne chargée de la mesure de protection et non pas seulement le tuteur ou le mandataire spécial ». En conséquence, le curateur ne peut (selon la Cour, s’agissant d’un simple avis), sans l’autorisation du juge des tutelles, demander l’ouverture, la modification ou la clôture d’un compte bancaire ou d’un livret ouvert au nom de la personne protégée.
Cette prise de position permet de clarifier un point en particulier qui pouvait mettre en difficulté certains professionnels.
En effet, l’article 427 du Code civil dans son premier alinéa n’évoque pas la clôture du compte bancaire ou du livret de la personne protégée mais uniquement son ouverture ou sa modification. De plus, le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 (3) dans ses annexes sur la classification des actes exclut expressément la clôture du compte bancaire des dispositions de l’article 427 et le liste dans la catégorie des actes de disposition qui, dans le cadre d’une curatelle, ne requiert que l’assistance du curateur (articles 467 et 505 du Code civil) (4).
Il s’ensuivait une différence d’interprétation qui pouvait mener à différentes pratiques d’un tribunal d’instance à l’autre, certains professionnels saisissant le juge des tutelles ou certains magistrats demandant à être saisi, alors que d’autres agissaient seuls avec la personne protégée.
Si l’on peut se réjouir de la clarification apportée, il ne faut cependant pas oublier de s’interroger sur la véritable nature des actes dont il est ici question (ouverture, modification et clôture des comptes et livrets de la personne protégée). Car si d’évidence ils appartiennent à la protection des biens, ce dont il est avant tout question, c’est le choix d’un établissement bancaire, le choix de tiers professionnels avec lesquels travailler voire contracter. C’est le prolongement de la vie sociale de la personne, de relations qu’elle avait installées avant la mise en place de la mesure de protection. C’est donc une décision personnelle qui relève de la protection de la personne qui, comme on le sait, prime la volonté de cette personne. On peut alors considérer que l’on est en présence d’un acte mixte où la volonté « éclairée » de la personne doit d’autant plus être prise en considération.
Dans le silence de la loi, il apparaît essentiel, lorsqu’il en a la capacité, de rechercher la participation du majeur protégé à cette décision. Il faut l’entendre comme une nécessité de protection à la charge de la personne chargée de la mesure de protection et du juge des tutelles, gardien des libertés.
Ajoutons enfin que cet avis de décembre 2018 reflète partiellement la nouvelle rédaction du premier alinéa de l’article 427, issue de la loi de réforme de la justice votée le 23 janvier dernier, qui interdit à la personne en charge de la mesure de protections de clôturer, sans l’autorisation du juge des tutelles, les comptes bancaire ou livrets de la personne protégée s’agissant des comptes et livrets ouverts au nom de la personne avant l’ouverture de la mesure. A contrario, la clôture des comptes et livrets ouverts après la mesure de protection reste un acte de disposition simple.
(1) Article 427 du Code civil ;
(2) Article 426 du Code civil ;
(3) Décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 ;
(4) Article 467 et article 505 du Code civil.
réf. : LACHAUD (B.), "La clôture du compte bancaire ou du livret de la personne protégée", Doctrin'Actu février 2019, art. 34
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