La prévention d’actes de terrorisme : Acte 2

Craignant pour la sécurité des concitoyens français, le législateur a édicté une nouvelle disposition légale portant sur la prévention d’actes de terrorisme le 30 juillet dernier soit quelques semaines avant la prise de pouvoirs par les talibans, en Afghanistan.
La loi n°2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement s’efforce de remplir ses deux objectifs :
1°) La prévention d’actes de terrorisme
2°) Collecter des renseignements dans un cadre légal
1. La prévention d’actes de terrorisme
Elle tend à renforcer la surveillance dans les lieux publics en conférant la possibilité au représentant de l’état dans le département ou, à Paris d’instituer, par arrêté motivé un périmètre de protection mais également :
« d’autoriser les agents mentionnés aux 2° à 4° de l'article 16 du code de procédure pénale et, sous la responsabilité et le contrôle effectif de ces agents, ceux mentionnés à l'article 20 et aux 1°, 1° bis et 1° ter de l'article 21 du même code à procéder, au sein du périmètre de protection, avec le consentement des personnes faisant l'objet de ces vérifications, à des palpations de sécurité ainsi qu'à l'inspection visuelle et à la fouille des bagages. La palpation de sécurité est effectuée par une personne de même sexe que la personne qui en fait l'objet. Pour la mise en œuvre de ces opérations, ces agents peuvent être assistés par des agents exerçant l'activité mentionnée au 1° de l'article L. 611-1 du présent code, placés sous l'autorité et le contrôle effectif et continu d'un officier de police judiciaire ».
L’article 3 de la présente loi a également modifié l’article L.227-1 du Code de la Sécurité Intérieure afin d’autoriser la fermeture de certains locaux dépendant du lieu de culte où il existe des raisons sérieuses de penser qu’ils seraient utilisés aux mêmes fins.
Il est utile de relever que cette loi prévoit l’extension de la fermeture administrative aux lieux de culte « dans lesquels les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent provoquent à la violence, à la haine ou à la discrimination, provoquent à la commission d’actes de terrorisme ou font l’apologie de tels actes ».
La durée de cette fermeture ne peut excéder six mois.
De même, la personne qui fait l’objet d’une mesure individuelle ou de contrôle administratifs peut voir prononcer à son encontre une interdiction de déplacement à l’extérieur d’un périmètre géographique déterminé afin que cette dernière puisse néanmoins poursuivre une vie familiale et professionnelle.
Cette loi a complété et modifié l’article L.228-2 du Code de la Sécurité intérieure en ce qu’elle a encadré cette limitation de déplacement « dans une période impartie de trente jours. Sauf urgence dûment justifiée, elle doit être notifiée à la personne concernée au moins quarante-huit heures avant son entrée en vigueur ».
La présente loi a introduit une section entière « Section 5 de la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion » soit les articles 706-25-16 et suivants du Code de Procédure Pénale.
En effet, lorsqu’une personne a été condamnée à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, d’une durée supérieure ou égale à cinq ans pour une ou plusieurs des infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l’exclusion de celles définies aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du même code, ou d’une durée supérieure ou égale à trois ans lorsque l’infraction a été commise en état de récidive légale, et qu’il est établi, à l’issue d’un réexamen de sa situation intervenant à la fin de l’exécution de sa peine, que cette personne présente une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme, faisant ainsi obstacle à sa réinsertion, le tribunal de l’application des peines de Paris peut, sur réquisitions du procureur de la République antiterroriste, ordonner, aux seules fins de prévenir la récidive et d’assurer la réinsertion, une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion. « La décision définit les conditions d’une prise en charge sanitaire, sociale, éducative, psychologique ou psychiatrique destinée à permettre la réinsertion de la personne concernée et l’acquisition des valeurs de la citoyenneté.
Cette prise en charge peut, le cas échéant, intervenir au sein d’un établissement d’accueil adapté. « La décision peut imposer à la personne concernée d’exercer une activité professionnelle ou de suivre un enseignement ou une formation professionnelle ; elle peut également lui interdire de se livrer à l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise. « La décision précise les conditions dans lesquelles la personne concernée doit communiquer au service pénitentiaire d’insertion et de probation les renseignements ou documents de nature à permettre le contrôle de ses moyens d’existence et de l’exécution de ses obligations et répondre aux convocations du juge de l’application des peines ou du service pénitentiaire d’insertion et de probation. Elle peut aussi l’astreindre à établir sa résidence en un lieu déterminé. « Les obligations auxquelles la personne concernée est astreinte sont mises en œuvre par le juge de l’application des peines du tribunal judiciaire de Paris, assisté du service pénitentiaire d’insertion et de probation, le cas échéant avec le concours des organismes habilités à cet effet. « II. – Le tribunal de l’application des peines de Paris ne peut prononcer la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion qu’après s’être assuré que la personne condamnée a été mise en mesure de bénéficier, pendant l’exécution de sa peine, de mesures de nature à favoriser sa réinsertion. « III. – La mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion prévue au I peut être ordonnée pour une durée maximale d’un an. A l’issue de cette durée, la mesure peut être renouvelée sur réquisitions du procureur de la République antiterroriste par le tribunal de l’application des peines de Paris, après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue à l’article 763-10, pour au plus la même durée, périodes de suspension comprises, dans la limite de cinq ans ou, lorsque le condamné est mineur, dans la limite de trois ans. Chaque renouvellement est subordonné à l’existence d’éléments nouveaux ou complémentaires qui le justifient précisément. « IV. – La mesure prévue au I ne peut être ordonnée que si elle apparaît strictement nécessaire pour prévenir la récidive et assurer la réinsertion de la personne concernée. Elle n’est pas applicable si la personne a été condamnée à un suivi socio-judiciaire en application de l’article 421-8 du code pénal ou si elle fait l’objet d’une mesure de surveillance judiciaire prévue à l’article 723-29 du présent code, d’une mesure de surveillance de sûreté prévue à l’article 706-53-19 ou d’une rétention de sûreté prévue à l’article 706-53-13.
De même, l’article 706-25-17 du CPP prévoit que la situation des détenues susceptibles de faire l’objet d’une telle mesure est examinée, sur réquisitions du procureur de la république antiterroriste, au moins trois mois avant al date prévue pour leur délibération, par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue à l’article 763-10 du CPP.
L’article L.3211-12-7 du Code de la Santé Publique introduit par cette loi prévoit le suivi d’une personne faisant l’objet de soins psychiatriques et qui représente une menace grave pour la sécurité et l’ordre public en raison de sa radicalisation à caractère terroriste.
Ainsi, le représentant de l’Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police ainsi que les représentants des services de renseignement mentionnés aux articles L. 811-2 et L. 811-4 du code de la sécurité intérieure désignés à cette fin par un décret en Conseil d’Etat et qui exercent une mission de renseignement à titre principal peuvent, lorsque la personne fait l’objet d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement, se voir communiquer les données d’identification de cette personne et les données relatives à sa situation administrative portées à la connaissance du représentant de l’Etat dans le département d’hospitalisation ou, à Paris, du préfet de police en application des articles L. 3212-5, L. 3212-8 et L. 3213-9 du présent code et de l’article 706-135 du code de procédure pénale, lorsque ces données sont strictement nécessaires à l’accomplissement de leurs missions. Ces mêmes données ne peuvent être communiquées lorsqu’elles sont antérieures de plus de trois ans à la date de levée de la mesure de soins sans consentement.
2. Sur la collecte des renseignements
L’article L.822-3 du Code de la sécurité intérieure a été modifié substantiellement permettant ainsi au service spécialisé de renseignement, d’utiliser les données et de les transcrire ou les extraire pour le seul exercice de ses missions, dans la limite des finalités mentionnées à l’article L. 811-3.
Les transmissions de renseignements collectés sont subordonnées à une autorisation préalable du Premier ministre après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignements.
Il est utile de préciser que ces transmissions sont sans effet sur la durée de conservation de chacun des renseignements collectés, qui court à compter de la date de leur recueil. A l’issue de cette durée, chaque service procède à la destruction des renseignements, selon les modalités définies à l’article L. 822-4.
Le responsable de chaque service spécialisé de renseignement désigne un agent chargé de veiller, sous son contrôle, au respect de l’application du présent II.
Les opérations de destruction des renseignements collectés mentionnées à l’article L. 822-2, les transcriptions et les extractions mentionnées au I de l’article L. 822-3 ainsi que les transmissions mentionnées au II du même article L. 822-3 sont effectuées par des agents individuellement désignés et habilités.
Elles font l’objet de relevés tenus à la disposition de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui précisent :
S’agissant des transcriptions ou des extractions, si elles ont été effectuées pour une finalité différente de celle qui en a justifié le recueil ;
S’agissant des transmissions, leur nature, leur date et leur finalité ainsi que les services qui en ont été destinataires.
« Lorsque les transcriptions, les extractions ou les transmissions poursuivent une finalité différente de celle au titre de laquelle les renseignements ont été recueillis, les relevés sont immédiatement transmis à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. »
Pire encore, l’article L.853-2 du même code prévoit qu’il peut être autorisé « lorsque les renseignements ne peuvent être recueillis par un autre moyen légalement autorisé, l’utilisation de dispositifs techniques permettant d’accéder à des données informatiques stockées dans un système informatique, de les enregistrer, de les conserver et de les transmettre, et permettant d’accéder à ces mêmes données informatiques, de les enregistrer, de les conserver et de les transmettre, telles qu’elles s’affichent sur un écran pour l’utilisateur d’un système de traitement automatisé de données, telles qu’il les y introduit par saisie de caractères ou telles qu’elles sont reçues et émises par des périphériques. » ;
On peut déplorer que le contrôle des renseignements collectés ne fasse pas l’objet d’un contrôle garanti par le Juge des Libertés et de la Détention (JLD).
De même, il est édifiant de voir que les services administratifs mais également le Premier Ministre peuvent collecter des renseignements sur des personnes tout en les conservant pour des motifs qui ne peuvent être vérifiées par le Juge des Libertés et de la détention qui est le garant des libertés individuelles.
SETTEMBRE (S.), "La prévention d’actes de terrorisme : Acte 2", Doctrin'Actu septembre 2021, n° 174.