La privation d’effet d’une clause d’exclusion de garantie imprécise : la sanction pour l’assureur

S’il est vrai que contractuellement, l’assureur peut, à juste titre, opposer à son assuré une clause d’exclusion de garantie, encore faut-il que cette dernière soit rédigée en des termes précis, nécessitant aucune interprétation !
C’est d’ailleurs dans ce contexte que la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation a tranché en faveur du souscripteur.
De facto, par un arrêt rendu le 26 novembre 2020, la deuxième chambre civile a rappelé la ratio legis de l’article L.113-1 du Code des assurances prévoyant que « les clauses d’exclusion de garantie ne peuvent être tenues pour formelles et limitées dès lors qu’elles doivent être interprétées ».
La Cour a affirmé « qu’une clause excluant de la garantie “les pertes et dommages indirects (par exemple diminution de l’aptitude à la course, moins-value, dépréciation)”, en ce qu’elle ne se réfère pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées, n’est pas formelle et limitée et ne peut recevoir application en raison de son imprécision, rendant nécessaire son interprétation ».
Dès le moment où ladite clause suscite une interprétation, elle ne peut être opposée à l’assuré.
Afin de mieux circonscrire le champ d’application de la clause d’exclusion de garantie, il est utile de revenir sur les faits.
Une société ayant pour objet social la vente, la location de matériel roulant homologué à usage routier, éco durable et naviguant, est propriétaire d’un voilier qui s’est échoué, le 14 octobre 2012, lors du passage d’une tempête.
Cette dernière avait bien entendu pris la peine de souscrire un contrat d’assurance « multirisque plaisance », le 6 décembre 2011.
La Cour d’appel de Basse-Terre avait rejeté la demande d’indemnisation du préjudice commercial de ladite société au motif que « les conditions conventionnelles applicables du contrat d’assurance prévoit expressément que « sont exclus de l’assurance les pertes et dommages indirects (par exemple diminution de l’aptitude à la course, moins-value, dépréciation) » et que cette clause suffisamment explicite s’entend comme excluant tout préjudice qui ne découle pas directement du fait générateur, telle précisément la perte de revenus tirée de l’arrêt de l’exploitation ».
La Cour considère ainsi qu’il n’y a pas lieu de considérer cette clause comme vidant la garantie de sa substance et a ainsi confirmé le jugement rendu en première instance.
La problématique sous-jacente de cet arrêt porte sur les critères que doivent arborer une clause d’exclusion de garantie afin d’être opposable.
En l’occurrence, les termes génériques de « dommages indirects » n’apportant aucune précision particulière sur ce que peut englober ce poste de préjudice est imprécis de sorte que le refus d’indemniser le préjudice commercial découlant de l’évènement climatique n’est pas justifié.
La Cour a donc rappelé l’importance de la précision et des critères de la clause d’exclusion de garantie.
Cet arrêt s’inscrit dans un courant jurisprudentiel favorable aux assurés énumérant les obligations pesant sur l’assureur de s’assurer que les clauses d’exclusion de garantie soient suffisamment précises pour être applicables.
SETTEMBRE (S.), "La privation d’effet d’une clause d’exclusion de garantie imprécise : la sanction pour l’assureur", Doctrin'Actu février 2021, art. 159