La régulation du temps de parole à l’élection présidentielle : entre égalité et équité
L’élection présidentielle est, en France, le rendez-vous démocratique incontournable. La législation s’est développée pour assurer entre les candidats une égalité et une équité des temps de parole.
L’élection du Président de la République reste le scrutin prééminent parmi les différents scrutins qui rythment notre vie politique française. Plusieurs éléments ont d’ailleurs contribué à faire de cette désignation un élément cardinal de notre régime parmi lesquels, notamment, l’inversion du calendrier électoral. Au-delà d’un changement législatif et institutionnel important, le scrutin présidentiel continue à très largement mobiliser les électeurs contrairement aux autres élections où des taux records d’abstention sont continuellement battus.
De nombreux principes gouvernent les élections au premier rang desquels le secret du vote, l’égalité et la liberté. Ces principes sont indispensables au bon fonctionnement d’une démocratie qui se veut respectueuse d’un État de droit. Concernant l’égalité et la liberté celles-ci doivent particulièrement être assurées tout à la fois au candidat mais aussi à l’électeur. Les premières campagnes officielles ont été également un terrain propice à la mise en œuvre de ces principes où la liberté et l’égalité doivent y être assurées. Il importe en effet, que les candidats puissent librement échanger leurs idées pour les communiquer aux citoyens. Cet élément restant alors nécessaire pour permettre une sélection optimale des candidats.
Ainsi, la campagne électorale qui permet aux électeurs de librement choisir un candidat doit être encadrée pour permettre d’assurer la liberté et l’égalité. Une législation s’est progressivement constituée pour encadrer les divers éléments de la campagne électorale. Celle-ci inclut notamment la régulation de la radio et de la télévision qui assurent une large diffusion des éléments de campagne. Alors que la liberté d’expression des médias écrits reste, par principe, absolue, il convenait d’encadrer les médias audiovisuels et particulièrement la parole accordée aux candidats. Les chaines de radio et de télévision se voient appliquer le principe de pluralisme. Celui-ci réside en un équilibre quantitatif et qualitatif des temps de parole entre les différentes sensibilités du programme. En outre, les médias audiovisuels sont astreints à une obligation d’impartialité aussi bien pour les secteurs publics et privés ; laquelle ne s’applique pas concernant les chaines parlementaires qui s’autorégulent. Toutefois, alors qu’en France il existe une obligation de pluralisme chez ces médias ; la législation devait alors veiller à concilier le respect de la démocratie et de clarté du débat électoral avec le principe de la liberté de communication.
Différentes législations ont été mises au point pour tenter de concilier ces différentes exigences dont la première remonte à 1962 avec la loi relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel. La spécificité de cette élection réside en une très longue période de régulation du temps de parole nécessaire à la fonction. Les législations successives ont oscillé entre des exigences d’égalité et d’équité.
Désormais, le système est régi par la loi organique du 25 avril 2016 où les règles de régulation sont fixées selon trois périodes :
Une période préliminaire qui applique le principe d’équité du 1er janvier à la publication de la liste des candidats.
Une période intermédiaire qui est mise en place jusqu’à la campagne officielle soit, pour les élections présidentielles, le deuxième lundi précédant le premier tour du scrutin. Cette période applique le principe d’équité renforcée où des conditions de programmation comparables sont garanties. A partir de cette période, le Conseil supérieur de l’audiovisuel doit publier un relevé hebdomadaire. Cela se fait jusqu’à la campagne officielle (deuxième lundi précédant le premier tour du scrutin).
Pendant la campagne officielle, une période d’égalité est appliquée ainsi qu’une obligation des conditions de programmation comparable.
Ainsi, les conditions de régulation s’articulent entre la dichotomie égalité et équité. Ce système reste controversé puisque désormais une égalité absolue et objective n’est pas systématiquement appliquée. En effet, l’équité se fonde sur des critères objectifs comme la représentativité des candidats par l’intermédiaire de leurs résultats électoraux, le nombre d’élus, l’indication des sondages et leur contribution au débat politique. Pour certains, ce système est contraire au débat démocratique alors que pour d’autres il va dans le sens d’une modernisation de la démocratie. Alors que le débat reste ouvert, le Conseil constitutionnel[1] a mis en lumière l’existence d’un lien entre les principes constitutionnels et notamment le pluralisme et l’équité. De plus, cette dernière serait justifiée par le motif d’intérêt général de clarté du débat électoral.
Néanmoins certaines questions continuent de se poser et notamment celle des interventions du Président de la République en exercice mais aussi, pour autant, candidat. Alors qu’en 2005 ce temps de parole n’était pas comptabilisé cette solution a été critiquée. C’est donc la raison pour laquelle le Conseil d’État distingue désormais entre ce qui relève du débat politique national et de ses engagements personnels.
L’autorité chargée de s’assurer du respect des règles de régulation des médias audiovisuels est le conseil supérieur de l’audiovisuel. Lorsque celle-ci constate notamment des manquements au respect des règles de temps de parole, elle demande à ce qu’il soit corrigé. Elle dispose d’un pouvoir de mise en demeure et de sanction.
La régulation des médias audiovisuels est donc essentielle mais pour autant elle semble concurrencée aujourd'hui par les réseaux sociaux où une nouvelle forme de militantisme apparait. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le législateur s’est saisi de cette question en 2018 pour y instaurer une obligation d’informations des plateformes et un référé anti fakenews ; toutefois cette régulation reste encore insatisfaisante et les questions sont nombreuses autour de cette nouvelle forme d’expression politique.
[1] Cons. Const. 31 mai 2017, décision n°2017-651QPC.
PÔLE DROIT PUBLIC, "La régulation du temps de parole à l’élection présidentielle : entre égalité et équitée", Doctrin'actu, décembre 2021, n° 180.