Le départ d’André Villas-Boas : une vraie fausse démission
Maître Nicolas WEISZ, avocat associé
Maître Alexandre DANION, avocat
du cabinet d'avocats Earvin & Lew.
Quelques jours après avoir fait face à de graves incidents survenus sur son propre centre d’entraînement, le club de l’Olympique de Marseille doit composer aujourd’hui avec le départ brutal d’André Villas-Boas de son poste d’entraîneur de l’équipe professionnelle. Départ qu’il a lui-même annoncé en conférence de presse, et qui n’a pas manqué de faire la une de nombreux médias, aussi bien généralistes que spécialisés.
Alors qu’il n'est plus inhabituel qu’un entraîneur se fasse remercier en cours de saison par son club, le départ de l’entraîneur portugais a pour particularité d’être volontaire, de sorte que tout le monde s’est accordé pour parler de « démission », André Villas-Boas le premier lors de sa conférence de presse.
Pourtant, juridiquement il n’en est rien.
Il convient tout d’abord de préciser qu’aux termes de l’article L.222-2-3 du Code du sport :
« Afin d'assurer la protection des sportifs et entraîneurs professionnels et de garantir l'équité des compétitions, tout contrat par lequel une association sportive ou une société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 s'assure, moyennant rémunération, le concours de l'un de ces salariés est un contrat de travail à durée déterminée ».
Un entraîneur est donc lié à son club par un contrat à durée déterminée et non par un contrat à durée indéterminée. La différence est de taille : un CDD, circonscrit dans le temps, doit aller jusqu’au terme convenu, ce qui signifie qu’il ne saurait être rompu unilatéralement par l’une ou l’autre des parties en cours d'exécution.
Le Code du travail, par son article L.1243-1 prévoit néanmoins trois grands cas de rupture (les autres cas, non pertinents ici, ne sont pas repris ici) :
La rupture d’un commun accord ;
La rupture en raison d’un cas de force majeure - qui n’est en pratique qu’un cas théorique - ; et
La rupture en raison de la faute grave de l’une des parties : par exemple l’abandon de poste pour l’entraîneur ou le non-paiement des salaires pour le club. A titre de précision, les mauvais résultats ne caractérisent jamais une faute grave de l’entraîneur, et ne suffisent pas à se séparer de lui sans l’indemniser.
Il en résulte qu’un entraîneur professionnel, titulaire d’un CDD, ne peut pas démissionner, la démission étant un mode de rupture propre au CDI.
En outre, cela emporte deux conséquences majeures :
le club peut toujours refuser de libérer son entraîneur qui a formulé son souhait de partir, ce dernier étant tenu de respecter son contrat de travail, et donc le terme convenu.
si l’entraîneur décide tout de même de quitter le club, et hors manquement grave du club à son encontre, il ne fait ni plus ni moins que d’abandonner son poste. Il commet ainsi au sens du Code du travail une faute grave engageant sa responsabilité. En pareille situation, le club peut alors engager une procédure disciplinaire et rompre de son propre fait le contrat de travail, et même saisir le Conseil de prud’hommes afin d’obtenir des dommages et intérêts.
Ainsi à ce jour, et en se basant sur les déclarations publiques, on peut considérer que André Villas Boas a unilatéralement rompu son contrat de travail, ce en violation des dispositions applicables. A fortiori, sauf à démontrer que le club a commis une faute à son égard (ce qui à ce jour semble peu probable), il a commis une faute grave engageant sa responsabilité.
Cela dit, et au lieu d’acter la décision de son entraîneur, l’OM a manifestement décidé de s’en tenir strictement au Code du travail, qui ne reconnaît pas la démission comme mode de rupture du CDD, et donc de considérer qu’André Villas-Boas est encore à ce jour salarié du club.
Dans ces circonstances, la direction marseillaise a initié une procédure disciplinaire, comme elle le ferait à l’encontre de tout salarié à qui on reprocherait des manquements disciplinaires. C’est le sens du communiqué publié par le club à la suite des annonces de son entraîneur qui, en plus de prononcer la mise à pied à titre conservatoire du technicien portugais, a indiqué que « d’éventuelles sanctions seront prises à l’encontre d’André Villas-Boas à l’issue d’une procédure disciplinaire ».
Une situation inédite qui rappelle « l’affaire » Marcelo Bielsa, qui avait lui aussi fait part de la démission de son poste d’entraîneur de l’Olympique de Marseille à l’été 2015, ce alors qu’il lui restait encore une année de contrat.
Il reste désormais à savoir si ce match restera strictement interne, ou s’il se jouera sur le terrain judiciaire.
WEISZ (N.) et DANION (A.), "Le départ d’André Villas-Boas : une vraie fausse démission", Doctrin'Actu février 2021, art. 157