Les apports de la loi ELAN dans la profession d’huissier de justice
Dernière mise à jour : 29 août 2019

La loi dite « ELAN » portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique date du 23 novembre 2018 et a été publiée au Journal Officiel du 24 novembre 2018. (1)
Cette loi abordant de multiples notions juridiques, j’ai fait le choix de me pencher uniquement sur les parties intéressant la profession d’huissier de justice.
▪ La simplification du commandement de payer visant la clause résolutoire en matière d’habitation
Un commandement de payer visant la clause résolutoire est un acte extra judiciaire signifié par voie d’huissier de justice à la requête du propriétaire/bailleur au locataire débiteur d’une ou plusieurs échéances de loyers impayés.
Initialement, dans l’acte de signification du commandement, plusieurs mentions devaient figurer à peine de nullité notamment la reproduction de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 ainsi que les trois premiers alinéas de l’article 6 de la loi n°90-449 du 31 mai 1990.
L’article 137 de la loi ELAN est venu modifier l’article 24 de la loi 6 juillet 1989 comme suit :
«[…] Le commandement de payer contient, à peine de nullité : 1° La mention que le locataire dispose d'un délai de deux mois pour payer sa dette ; 2° Le montant mensuel du loyer et des charges ; 3° Le décompte de la dette ; 4° L'avertissement qu'à défaut de paiement ou d'avoir sollicité des délais de paiement, le locataire s'expose à une procédure judiciaire de résiliation de son bail et d'expulsion ; 5° La mention de la possibilité pour le locataire de saisir le fonds de solidarité pour le logement de son département, dont l'adresse est précisée, aux fins de solliciter une aide financière ; 6° La mention de la possibilité pour le locataire de saisir, à tout moment, la juridiction compétente aux fins de demander un délai de grâce sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil […] »
Cette nouvelle rédaction dudit commandement supprime l’exigence de reproduction des articles à peine de nullité et de ce fait, l’acte délivré au débiteur est plus lisible.
Pour conclure, la simplification du commandement de payer visant la clause résolutoire permet une meilleure information du justiciable.
▪ L’accès aux parties communes
Une disposition de la loi BETEILLE du 22 décembre 2010, aujourd’hui codifié dans le Code de la construction et de l’habitation, prévoyait déjà un accès aux parties communes. En effet, l’article L111-6-6 dudit code (2) dispose que « le propriétaire ou, en cas de copropriété, le syndicat des copropriétaires représenté par le syndic permet aux huissiers de justice d’accéder, pour l’accomplissement de leurs missions de signification ou d’exécution, aux parties communes des immeubles d’habitation. Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État ».
Or, aucun décret d’application n’est paru et naturellement, cette disposition était demeurée vaine.
La loi ELAN prévoyait en son article 123, d’ores et déjà, le droit pour les huissiers de justice d’avoir accès aux boîtes aux lettres des immeubles dans les mêmes conditions que les opérateurs postaux. En revanche, pour les autres parties communes, il convenait d’attendre un décret d’application.
Toutefois, cet article a été censé et déclaré non conforme à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel en date du 15 novembre 2018 n° 2018-772 DC (3).
Les huissiers de justice - les commissaires de justice de demain - pourront-il bientôt bénéficier d’un accès aux boîtes aux lettres des immeubles ?
▪ La procédure d’expulsion de squatteurs dans les locaux à usage d’habitation ou à usage professionnel
Le mot « squatteurs » doit être entendu comme une personne qui est entrée par voie de fait dans les locaux.
L’article 201 de la loi ELAN dispose que « le délai prévu au premier alinéa du présent article ne s'applique pas lorsque le juge qui ordonne l'expulsion constate que les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait. »
Initialement, l’article L.412-1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution disposait que « si l'expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait ou lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L. 442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai ».
La loi ELAN vient compléter l’article L.412-1 du Code des procédures civiles d’exécution (4) et apporte une nouveauté. Dorénavant, la ou les personnes entrées par voie de fait dans le local ne pourront plus bénéficier du délai de deux mois figurant dans le commandement de quitter les lieux.
En effet, les propriétaires des locaux pourront poursuivre la procédure d’expulsion sans être contraint de respecter ce délai de deux mois imposé pour toutes les autres expulsions en matière d’habitation.
Mais également, un autre point est à mettre en avant, à savoir, l’article L.412-6 du Code des procédures civiles d’exécution (5).
Initialement, l’article L.412-6 dudit code disposait que « nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée et malgré l'expiration des délais accordés en vertu de l'article L. 412-3, il est sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille.
Toutefois, le juge peut supprimer le bénéfice du sursis prévu au premier alinéa lorsque les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les lieux par voie de fait. »
La nouvelle rédaction de cet article suite à la promulgation de la loi ELAN est la suivante « nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée et malgré l'expiration des délais accordés en vertu de l'article L. 412-3, il est sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille.
Par dérogation au premier alinéa du présent article, ce sursis ne s'applique pas lorsque la mesure d'expulsion a été prononcée en raison d'une introduction sans droit ni titre dans le domicile d'autrui par voies de fait. Le juge peut supprimer ou réduire le bénéfice du sursis mentionné au même premier alinéa lorsque les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans tout autre lieu que le domicile à l'aide des procédés mentionnés au deuxième alinéa. »
De ce fait, les personnes entrées dans les lieux par voie de fait ne peuvent plus bénéficier de la trêve hivernale.
Pour mémoire, la trêve hivernale est la période allant du 1ernovembre au 31 mars pendant laquelle les expulsions locatives sont suspendues.
Pour conclure, les modifications de ces deux articles par la loi ELAN sont très largement favorables aux propriétaires et la procédure d’expulsion devrait normalement être plus rapide suite à la suppression du délai de deux mois dans le commandement de quitter les lieux et la suppression du bénéfice de la trêve hivernale.
(1) https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000037639478&categorieLien=id
(3) https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000037639739&categorieLien=id
réf. : CASES (M.), "Les apports de la loi ELAN dans la profession d’huissier de justice", Doctrin'Actu janvier 2019, art. 23