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Les libertés individuelles à l’épreuve du coronavirus

La liberté est un droit qui est dédié à chaque personne sans distinction de race, de religion, d’ethnie, d’état de santé, de richesse.


C’est l’essence même de l’article 1er de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 qui a été repris deux siècles plus tard, dans la Déclaration Universelle des droits de l’homme (DUDH) adoptée le 10 décembre 1948 par l’Organisation des Nations Unies et qui fait parti du Bloc de Constitutionnalité de 1958.


L’article 1er de la DUDH prévoit « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. ».


L’article 2 rajoute que « 1. chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. 2. De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté ».


Il est à préciser que ce texte a été traduit dans 500 langues.


Le 16 mars 2020 la COVID-19 a bouleversé notre quotidien et a balayé ces droits constitutionnels d’un revers de manche. Des mesures de confinements ont été mises en place, les magasins, bars, cinémas, restaurants, lieux de loisirs ont été fermés, puis réouverts. Des mesures de couvre-feux ont été instaurés en 2020 puis 2021 jusqu’à l’arrivée d’un produit médical expérimental porteur d’espoirs de rétablissement de nos libertés chères. La vaccination était ouverte à ceux et celles qui le désiraient.


Le Président de la République ainsi que son gouvernement proclamaient solennellement que cette vaccination ne sera pas imposée et qu’elle ne donnera jamais lieu à l’introduction d’un « passe sanitaire » qui commençait à faire son apparition dans des pays.


Le 5 août 2021, la loi n°2021-1040 relative à la gestion de la crise sanitaire a été introduite instaurant un passe sanitaire qui avait pour vocation de disparaitre le 15 novembre 2021.


Son article 1er prévoyait que « I.-La loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire est ainsi modifiée : 1° L'article 1er est ainsi modifié : a) Au premier alinéa du I, la date : « 30 septembre 2021 » est remplacée par la date : « 15 novembre 2021 » ;

b) Le II est ainsi rédigé :« II.-A.-A compter du 2 juin 2021 et jusqu'au 15 novembre 2021 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 : « 1° Imposer aux personnes âgées d'au moins douze ans souhaitant se déplacer à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou de l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution, ainsi qu'aux personnels intervenant dans les services de transport concernés, de présenter le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 ;

« 2° Subordonner à la présentation soit du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 l'accès à certains lieux, établissements, services ou évènements où sont exercées les activités suivantes : « a) Les activités de loisirs ;

« b) Les activités de restauration commerciale ou de débit de boissons, à l'exception de la restauration collective, de la vente à emporter de plats préparés et de la restauration professionnelle routière et ferroviaire;

« c) Les foires, séminaires et salons professionnels ;

« d) Sauf en cas d'urgence, les services et établissements de santé »


Vous pouvez trouver cette source à l’adresse suivante : (LOI n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire (1) - Légifrance (legifrance.gouv.fr)


Alors que ce passe devait disparaitre le 15 novembre dernier, le gouvernement a décidé d’adopter une nouvelle loi qui tend à le proroger jusqu’au 31 juillet 2022 soit jusqu’à la date de fin d’état d’urgence sanitaire présumée.


C’est dans ce contexte que la loi n°2021-1465 du 10 novembre 2021 portant diverses dispositions de vigilance sanitaire a été adoptée. Il est à préciser qu’elle comportait une date de fin de l’utilisation du passe sanitaire. Et pourtant, le défenseur des droits a interpellé le gouvernement dès le 21 juillet dernier (Avis 21-11 du 20 juillet 2021 relatif au projet de loi sur la gestion de la crise sanitaire (defenseurdesdroits.fr)) avant même l’adoption du premier texte sur les dangers qu’il représente :

« - sur la méthode : la nécessité d’un débat démocratique

- sur l’intelligibilité du texte : de nombreuses zones d’ombre

- des restrictions considérables d’accès aux transports publics et aux biens et services

- la mise en œuvre des restrictions d’accès : le contrôle d’une partie de la population par une autre population

- les risques de discrimination dans l’emploi

- les risques considérables d’atteinte aux droits des enfants

- les personnes en situation de pauvreté pourraient être doublement victimes

- les mesures d’isolement étendues »


Le défenseur des droits n’a eu de cesses que d’interpeller le gouvernement sur l’usage de ce passe, qui deviendra désormais passe vaccinal alors même qu’il n’a pas prouvé son efficacité (Cf. Avis du défenseur des droits du 30 novembre 2021)


Par deux fois, le gouvernement a présenté le projet de loi portant sur la vaccination obligatoire pour tous qui a été rejeté par le Sénat, les 6 et 13 octobre 2021.

Sans doute que cela ne pouvait être possible puisque les traitements expérimentaux ne bénéficiaient que d’une autorisation temporaires données par l’Agence européen du médicament et l’ARS.

Que le Code de la Santé Publique ainsi que les différents règlements européens sont stricts en la matière.


Le 4 janvier dernier, le défenseur des droits a alerté sur le fait que « ces mesures exceptionnelles doivent se conformer au principe de légalité, et pour cela s’avérer strictement nécessaires, proportionnées et adaptées aux risques sanitaires encourus ».


Le Défenseur des droits a adressé les points d’inquiétudes suivant au Parlement:

- « L’imposition d’un passe vaccinal : la question de la nécessité et de la proportionnalité « Ce projet de loi vient confirmer les craintes précédemment exprimées par la Défenseure des droits en accentuant encore un peu plus le rétrécissement progressif des libertés et en prévoyant une obligation vaccinale déguisée »

- Un passe vaccinal contraire à l’intérieur supérieur de l’enfant : La Défenseure des droits reste particulièrement préoccupée par les mesures qui concernent et affectent directement la vie quotidienne des mineurs et l’exercice de leurs droits.

- Concilier les objectifs recherchés avec les situations personnelles et professionnelles des personnes

- Encadrer davantage le dispositif de vérification et prévenir les risques de discrimination

- Le déremboursement des tests de dépistage »

(Passe vaccinal : les 5 points d’alerte de la Défenseure des droits | Défenseur des Droits (defenseurdesdroits.fr)


La CNIL s’est également exprimée sur ce sujet au même titre que le Défenseur des Droits.


Et pourtant, le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire a été adopté par l’assemblée nationale en deuxième lecture le 14 janvier 2022.


Force est d’observer que ce projet de loi n’a pas pris en compte les points abordés par le Défenseur des droits ainsi que la CNIL, garante du respect de la collecte des données personnelles.


De surcroît, ce projet de loi, mis en place par une procédure accélérée, ne comporte pas de date de fin de levée du passe vaccinal.


La finalité de ce texte est double : adopter une vaccination obligatoire pour tous et autoriser l’utilisation d’un pass électronique permanent permettant de géolocaliser tout individu et de collecter ses données personnelles.


Plus encore, le texte confère la possibilité au Premier Ministre, en cas d’état d’urgence sanitaire, de prendre les mesures suivantes en vertu de l’article L3131-15 du Code de la Santé Publique qui seront complétées :

« 1° Réglementer ou interdire la circulation des personnes et des véhicules et réglementer l'accès aux moyens de transport et les conditions de leur usage ;

2° Interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé ;

3° Ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine, au sens de l'article 1er du règlement sanitaire international de 2005, des personnes susceptibles d'être affectées ;

Ordonner des mesures de placement et de maintien en isolement, au sens du même article 1er, à leur domicile ou tout autre lieu d'hébergement adapté, des personnes affectées ; »


Que le projet de loi portant sur le passe vaccinal aborde juste après cet article, les mesures existantes pour les personnes atteintes de maladies mentales et notamment les mesures prises en matière d’isolement qui peuvent être reconduites par un médecin avant d’instaurer le contrôle des mesures par le Juge des Libertés et de la Détention.


Voici l’extrait du projet de loi adoptée le 14 janvier 2022 page 13 et 14 que vous pouvez trouver sur Projet de loi nº 749, adopté par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique (assemblee-nationale.fr)

« Article 2 L’article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions est ainsi modifié : 1° Après le 5° du II, il est inséré un 6° ainsi rédigé : « 6° L’adaptation, à partir des dates et résultats des examens de dépistage virologique, de la durée des mesures de mise en quarantaine ou de placement et de maintien en isolement prévues aux 3° et 4° du I de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique et au 2° du I de l’article L. 3131-1 du même code. » ; 2° Après la deuxième phrase du premier alinéa du III, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Les agents spécialement habilités des services préfectoraux peuvent recevoir les données strictement nécessaires à la poursuite de la finalité mentionnée au 6° du II du présent article. »

Article 3 I. – Le I de l’article L. 3211-12 du code de la santé publique est ainsi modifié : 1° Au deuxième alinéa, la référence : « du troisième alinéa du II » est supprimée ; 2° Le même deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans ce cas, il statue dans les délais prévus au II de l’article L. 3222-5-1 ou, à défaut, dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa saisine. » ; 3° (Supprimé) II et III. – (Non modifiés) IV. – L’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique est ainsi modifié : 1° Le I est complété par deux alinéas ainsi rédigés : « La mesure d’isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, dans la limite d’une durée totale de quarante-huit heures, et fait l’objet de deux évaluations par vingt-quatre heures. « La mesure de contention est prise dans le cadre d’une mesure d’isolement pour une durée maximale de six heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au même premier alinéa, dans la limite d’une durée totale de vingt-quatre heures, et fait l’objet de deux évaluations par douze heures. » ; 2° Le II est ainsi rédigé : « II. – À titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au delà des durées totales prévues au I, les mesures d’isolement et de contention, dans le respect des conditions prévues au même I. Le directeur de l’établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention du renouvellement de ces mesures. Le juge des libertés et de la détention peut se saisir d’office pour y mettre fin. Le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical »


L’opacité de ce texte interpelle sur la sécurité juridique.


Enfin, un point essentiel n’a pourtant pas été abordé et mérite une analyse : l’indemnisation des préjudices des victimes.


Les personnes qui souffrent d’effets indésirables suite à ce traitement médical bénéficient-elles d’une action judiciaire ?


L’article 18 de la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 prévoit que « la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire administrée en application du I de l'article 12 est assurée conformément à l'article L. 3111-9 du code de la santé publique. »

Ceci veut dire que seules les personnes visées dans l’article 12 de la loi précitée peuvent saisir l’ONIAM soit :

« I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : 1° Les personnes exerçant leur activité dans :

a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique ainsi que les hôpitaux des armées mentionnés à l'article L. 6147-7 du même code ; b) Les centres de santé mentionnés à l'article L. 6323-1 dudit code ; c) Les maisons de santé mentionnées à l'article L. 6323-3 du même code ; d) Les centres et équipes mobiles de soins mentionnés à l'article L. 6325-1 du même code ; e) Les centres médicaux et équipes de soins mobiles du service de santé des armées mentionnés à l'article L. 6326-1 du même code ;

f) Les dispositifs d'appui à la coordination des parcours de santé complexes mentionnés aux II et III de l'article 23 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé ;

g) Les centres de lutte contre la tuberculose mentionnés à l'article L. 3112-2 du code de la santé publique ;

h) Les centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic mentionnés à l'article L. 3121-2 du même code ;

i) Les services de médecine préventive et de promotion de la santé mentionnés à l'article L. 831-1 du code de l'éducation ;

j) Les services de prévention et de santé au travail mentionnés à l'article L. 4622-1 du code du travail et les services de prévention et de santé au travail interentreprises définis à l'article L. 4622-7 du même code ;

k) Les établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés aux 2°, 3°, 5°, 6°, 7°, 9° et 12° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'exception des travailleurs handicapés accompagnés dans le cadre d'un contrat de soutien et d'aide par le travail mentionné au dernier alinéa de l'article L. 311-4 du même code ;

l) Les établissements mentionnés à l'article L. 633-1 du code de la construction et de l'habitation, qui ne relèvent pas des établissements sociaux et médico-sociaux mentionnés aux 6° et 7° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, destinés à l'accueil des personnes âgées ou handicapées ;

m) Les résidences-services destinées à l'accueil des personnes âgées ou handicapées mentionnées à l'article L. 631-13 du code de la construction et de l'habitation ;

n) Les habitats inclusifs mentionnés à l'article L. 281-1 du code de l'action sociale et des familles ; 2° Les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique, lorsqu'ils ne relèvent pas du 1° du présent I ;

3° Les personnes, lorsqu'elles ne relèvent pas des 1° ou 2° du présent I, faisant usage : a) Du titre de psychologue mentionné à l'article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social ;

b) Du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur mentionné à l'article 75 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

c) Du titre de psychothérapeute mentionné à l'article 52 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique ;

4° Les étudiants ou élèves des établissements préparant à l'exercice des professions mentionnées aux 2° et 3° du présent I ainsi que les personnes travaillant dans les mêmes locaux que les professionnels mentionnés au 2° ou que les personnes mentionnées au 3° ;

5° Les professionnels employés par un particulier employeur mentionné à l'article L. 7221-1 du code du travail, effectuant des interventions au domicile des personnes attributaires des allocations définies aux articles L. 232-1 et L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles ;

6° Les sapeurs-pompiers et les marins-pompiers des services d'incendie et de secours, les pilotes et personnels navigants de la sécurité civile assurant la prise en charge de victimes, les militaires des unités investies à titre permanent de missions de sécurité civile mentionnés au premier alinéa de l'article L. 721-2 du code de la sécurité intérieure ainsi que les membres des associations agréées de sécurité civile mentionnées à l'article L. 725-3 du même code participant, à la demande de l'autorité de police compétente ou lors du déclenchement du plan Orsec, aux opérations de secours et à l'encadrement des bénévoles dans le cadre des actions de soutien aux populations ou qui contribuent à la mise en place des dispositifs de sécurité civile dans le cadre de rassemblements de personnes ;

7° Les personnes exerçant l'activité de transport sanitaire mentionnée à l'article L. 6312-1 du code de la santé publique ainsi que celles assurant les transports pris en charge sur prescription médicale mentionnés à l'article L. 322-5 du code de la sécurité sociale ;

8° Les prestataires de services et les distributeurs de matériels mentionnés à l'article L. 5232-3 du code de la santé publique. »


Mise à part les personnes énumérées dans l’article 12 de la loi du 5 août 2021, les autres personnes en sont écartées.


Ceci montre qu’une partie de la population est exclue de la saisine de l’ONIAM créant également une inégalité de traitement et une atteinte au principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit. Le Conseil Constitutionnel ne s’étant pas prononcé sur ce point de droit, on pourrait parfaitement envisager de soulever une QPC devant les juridictions judiciaires dans pareille hypothèse.


 

SETTEMBRE (S.), "Les libertés individuelles à l’épreuve du coronavirus", Doctrin'actu, janvier 2022, n° 181.