Les violences conjugales du point de vue de l’enfant

Le 25 novembre dernier, s’est achevé le grenelle des violences conjugales. Une trentaine de mesures ont été annoncé par le premier ministre parmi celle-ci certaines ont pour objet les enfants victimes par ricochet de ces violences. La prise en considération des enfants au sein des violences conjugales est restreinte tant d’un point de vue sociale que juridique.
Le sommaire du Code civil français, en l’état actuel ne compte que deux sortes de dispositions concernant les violences conjugales et toutes deux concernent uniquement le parent victime. Le premier article est l’article 220-1 du Code civil [1], toutefois les enfants n’y sont pas mentionnés. Cet article a pour objectif de protéger l’intérêt de la famille contre l’agissement de l’un des époux.
Dans le cadre de cet article le juge aux affaires familiales peut prendre toutes les mesures urgentes afin de sauvegarder l’intérêt de la famille. Les mesures prises sont majoritairement tournées dans un sens patrimonial, en interdisant par exemple à l’époux fautif de pouvoir disposer seul de ses biens propres ou de biens communs c’est le cas par exemple dans un arrêt de la Cour d’appel de Nancy en date du 12 décembre 1968. Si les enfants sont compris dans l’intérêt de la famille, cet article ne met pas en place une protection en leur faveur contre le parent violent.
La seconde référence aux violences conjugales dans le Code civil se constitue des articles 515-9 à 515-13 du Code civil [2]. Ces articles sont un ajout de la loi du 9 juillet 2010 mettant en place l’ordonnance de protection. Cette ordonnance de protection est une mesure provisoire de 6 mois qui permet à la victime des violences conjugales d’être protégée de l’auteur de ses violences par une interdiction d’entrer en contact, par la mise en place d’une résidence séparée et/ou par la dissimulation du nouveau lieu de résidence de la victime. Si les enfants sont mentionnés dans cette mesure de protection, une seule mesure les visent directement et celle-ci concerne les modalités d’exercice de l’autorité parentale et la contribution financière à leur éducation.
La loi du 4 août 2014 a davantage pris en compte l’effet incontestable de ces violences sur les enfants, en permettant au juge des affaires familiales de saisir sans délai le procureur de la république lorsque les violences conjugales pouvaient mettre en danger un enfant. Une démarche de protection des enfants victimes est initiée, celle-ci est souvent jugée insuffisante car si elle permet de limiter le risque pour les enfants de subir de nouvelles violences ou d’en être de nouveaux témoins, il n’y a ni prise en charge ni suivi n’est envisagé par le droit civil. De fait, aucune mesure n’est envisagé. Il en va de même concernant le droit pénal, qui a pour objet principal de sanctionner l’auteur des faits. Nous retrouvons également cette volonté de protéger a posteriori l’enfant du parent violent, avec notamment comme possible sanction de ces violences le retrait de l’autorité parentale en vertu de l’article 221-5-5 du Code pénal, mais aucune prise en charge psychologique de l’enfant est envisagée.
Nonobstant, dans la pratique des initiatives locales ont permis l’accompagnement de ces enfants victimes de violences conjugales. Nous pouvons citer le dispositif féminicide de Seine-Saint-Denis. Ce dispositif unique en France, est mis en œuvre conjointement, depuis 2014, par le Parquet de Bobigny, l’aide sociale à l’enfant du département, le centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger d’Aulnay-sous-Bois et le Centre du psychotrauma de l’Institut de victimologie de Paris [3]. Ce dispositif a pour effet d’évaluer l’état de santé psychologique des enfants et de les accompagner dans le traumatisme qu’ils subissent.
Le Parquet prend dans l’urgence une ordonnance de Placement Provisoire confiant les enfants au Service départemental de l’Aide sociale à l’enfance pour évaluation, en vue d’une hospitalisation au Centre hospitalier avec des visites réservées pendant 3 jours. À la suite de cette hospitalisation un bilan de l’état de l’enfant est réalisé par les professionnels de santé et un suivi post-hospitalisation pourra être mis en place. L’enfant est placé au centre de ce dispositif afin de favoriser au mieux son développement.
Cette prise en charge de l’enfant victime de violences conjugales semble faire ses preuves [4] et être entendue par le gouvernement. En effet, dans les mesures annoncées par le gouvernement suite au grenelle des violences conjugales il a été annoncé 5 mesures phares concernant la protection des enfants.
Dans ces 5 mesures 2 visent le suivi des enfants victimes : la première est de demander systématiquement un état de la situation à l’aide sociale à l’enfance en cas de violence conjugale, et à défaut une évaluation administrative de la situation familiale ; la seconde est de généraliser les unités d’accueil médico-judiciaires pédiatriques (UAMJP) afin de recueillir dans de bonnes conditions la parole de l’enfant [5]. Un bilan dans quelques années permettra d’évaluer leur effectivité.
[3] https://seinesaintdenis.fr/IMG/pdf/protocole_20de_20partenariat_20-feminicide.pdf
[4] « orphelins des féminicides, une enfance effacée », article paru dans Le Monde, 23 novembre 2029, p 6-7.
[5] https://www.gouvernement.fr/30-nouvelles-mesures-pour-combattre-les-violences-faites-aux-femmes
réf. : GIRARD (P.), "Les violences conjugales du point de vue de l’enfant", Doctrin'Actu janvier 2020, art. 112