Location « Airbnb » : ces erreurs qui coûtent cher !

Le succès des locations meublées de courte durée du type « Airbnb » est indéniable : en 2018, cette activité a généré pas moins de 9 milliards d’euros en France [1]. Pourtant, bien que les français semblent chérir ce type de location, force est de constater que l’inflation réglementaire et jurisprudentielle a créé en quelques années un véritable champ de mines pour qui voudrait se lancer. Cet article se propose, à l’occasion d’un récent arrêt rendu par la Cour de cassation le 12 septembre 2019 [2], de présenter les prudences élémentaires à observer.
Souvent envisagée comme une source de revenus complémentaires, « l’aventure Airbnb » peut rapidement s’avérer onéreuse. En sus d’une certaine désillusion – 51% des propriétaires admettent ne pas obtenir assez de réservations par rapport à leurs attentes [3]– la location de courte durée requiert d’observer un certain nombres de précautions rudimentaires.
Pour le locataire : interdiction de principe de louer le bien sur Airbnb
Le locataire qui met son logement en location, même pour une courte durée, effectue une sous-location. Or, par exception au principe posé par l’article 1717 du Code civil, l’article 8 de la loi du 6 juillet 1989 interdit de sous-louer un bien sans l’accord écrit de son bailleur. Seule une clause autorisant la sous-location dans le bail – ou un accord écrit ultérieur – permet de louer son logement sur une plateforme comme Airbnb.
Si la sous-location a été autorisée, le preneur peut alors sous-louer pour de courtes durées son logement. Cependant, il ne pourra pas percevoir plus d’argent du sous-locataire que ce que son loyer lui coûte. Autrement dit, il est impossible de dégager un bénéfice de la sous-location. Plus précisément, le 2ème alinéa de l’article 8 précité interdit de sous-louer à un prix supérieur au loyer par mètre carré du logement. Ainsi, si un logement comportant une chambre de 10m² est loué pour son entièreté à 700 €, il sera impossible de louer cette seule et unique chambre pour plus de 70 € par mois et ce même si le locataire perçoit moins de 700 € par mois pour la sous-location de cette chambre.
Si la sous-location n’a pas été autorisée par écrit, le locataire s’expose à un cumul de sanctions.
Comme jugé le 6 avril 2016 [4], le locataire est tenu au paiement de dommages et intérêts à son bailleur en raison du préjudice moral qu’il subit à la suite de la sous-location illicite de son bien.
Par ailleurs, la Cour de cassation, dans un arrêt très récent du 12 septembre 2019, se montre stricte en imposant au locataire de reverser au propriétaire chaque euro perçu de la sous-location. Elle estime en effet que les « sous-loyers » constituent des fruits civils qui, sur le fondement de l’accession mobilière visée aux articles 545 et suivants du Code civil, appartiennent au propriétaire et non au locataire. Ce faisant, la Cour de cassation valide les solutions déjà retenues par le Tribunal d’Instance [5] et la Cour d’appel de Paris [6] dans des espèces similaires.
Cette solution se comprend aisément en ce sens que le bail n’a pas pour effet de transférer temporairement l’usufruit d’un bien au locataire mais uniquement de lui en transférer la jouissance. Le locataire, détenteur précaire en quelque sorte, ne peut pas non plus invoquer la propriété des « sous-loyers » reçus sur le fondement de la possession mobilière de l’article 2276 du Code civil puisque, précisément, il n’a que la qualité de détenteur et non de possesseur.
La Haute juridiction refuse de fonder sa décision sur la restitution de l’indu prévu aux articles 1302 et suivants du Code civil. Bien que ce fondement aurait pleinement trouvé à s’appliquer – le locataire ayant bien perçu des sommes alors qu’il n’était titulaire d’aucune créance valable en raison de l’interdiction de sous-louer – ce choix ne peut être que salué. En effet, la restitution de l’indu peut être réduite [7], et cela aurait contraint à la Cour articuler cette technique avec l’inopposabilité de la sous-location au bailleur ; l’accession présentant, à l’inverse, l’avantage de la simplicité.
Enfin, le locataire contrevenant s’expose également à la résiliation judiciaire du bail et, par suite, à son expulsion comme l’a jugé la Cour d’appel de Paris en 2017 [8].
La preuve d’une sous-location illicite doit, selon les articles 1353 et suivants du Code civil, être rapportée par le propriétaire. Il s’agit ici simplement de préciser que de simples captures d’écran sur les sites de location ne sauraient suffire ; les constats électroniques d’huissiers de justice paraissant seuls à même d’emporter la conviction du juge.
Pour le propriétaire : une vigilance de chaque instant
Plusieurs difficultés peuvent survenir ; de la mise en location jusqu’à l’issue de celle-ci.
Tout d’abord, la personne qui envisage d’acquérir un bien uniquement pour y exercer une activité de location de courte durée devra anticiper deux obstacles.
Le premier tient au règlement de copropriété. En effet, une clause de bourgeoisie pourrait faire obstacle à ce projet. Plus précisément, l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 autorise le règlement de copropriété à restreindre les droits des propriétaires sur les parties privatives et notamment interdire les locations de courte durée. Une jurisprudence abondante, et désormais constante [9], est venue confirmer ces interdictions, même lorsque la clause de bourgeoisie serait mixte ; c’est-à-dire qu’elle autoriserait un usage à la fois professionnel et d’habitation.
Le second tient à ce que, si le propriétaire n’a pas prévu d’habiter dans ce bien, des règles du droit de la construction et de l’habitation peuvent interdire les locations de type « Airbnb ». Plus précisément, dans les villes de plus de 200.000 habitants uniquement, l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation et la loi ALUR du 27 mars 2014 imposent d’obtenir une autorisation préalable lorsqu’un propriétaire souhaite, de manière répétée, héberger une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile. Or, sur la base de l’article L. 631-7-1 du même code instituant une procédure de compensation [10], l’autorisation peut être subordonnée à la transformation concomitante d’un autre local en un à usage d’habitation. Autrement dit, sauf à être propriétaire d’un local à usage commercial, l’achat d’un bien à usage d’habitation pour le louer sur une plateforme du type « Airbnb » supposera d’acheter, concomitamment, un local à usage commercial ; le premier bien deviendra à usage commercial quand le second deviendra, corrélativement, à usage d’habitation. La tentation pourrait ainsi être forte de n’acquérir qu’un seul local commercial ; la difficulté tiendra cependant en ce qu’un tel bien ne sera généralement pas adapté pour de l’hébergement.
Ensuite, la location de tout ou partie de sa résidence principale ne peut pas excéder plus de 120 jours par an. En effet, l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989 considère qu’un logement non occupé par son propriétaire ou locataire pendant 120 jours n’est pas une résidence principale mais secondaire. Par ailleurs, 18 villes – dont notamment Paris, Bordeaux, Aix-en-Provence, Lille, Lyon, etc. – ont convenu avec Airbnb d’un accord [11] aux termes duquel la plateforme a l’obligation de déréférencer les annonces en violation. En 2018, Paris a ainsi prononcé plus de 2 millions d’euros d’amende à l’encontre des contrevenants [12].
Par ailleurs, le bien devra selon la ville (à Paris, par exemple) faire l’objet d’une déclaration en mairie ; faute de quoi la plateforme pourra refuser de référencer les annonces. Sur délibération du conseil municipal, l’article L. 324-1-1 du Code du tourisme peut imposer ces déclarations et enregistrements en mairie même lorsque la location se fait dans la résidence principale. Cela permet aux municipalités de vérifier que le bien n’est pas loué plus de 120 jours par an.
Enfin, il faut être conscient que bon nombre d’autres désagréments peuvent survenir et trouver leur origine dans des sources très diverses.
A titre d’exemple, on retiendra la dégradation de son bien qu’un dépôt de garantie préalable ne saurait entièrement couvrir. Même si Airbnb dispose d’une procédure amiable d’indemnisation [13], celle-ci n’est pas assurée d’aboutir et une procédure judiciaire sera alors nécessaire ; celle-ci devant généralement être introduite à l’encontre de personnes vivant dans un autre pays, ce qui pourrait s’avérer onéreux et fastidieux.
Par ailleurs, en raison de la concurrence au secteur de l’hôtellerie, la réglementation de la location courte durée est marquée par une intervention politique récurrente et conséquente. En ce sens, certaines métropoles comme Paris, ont exprimé avec insistance [14], leur souhait d’interdire aux propriétaires et locataires résidant dans certains arrondissements de louer leurs biens pour des courtes durées. Ainsi, tout un chacun doit garder à l’esprit que, au gré des sursauts politiques, un investissement en vue d’effectuer de la location de courte durée peut, dans un court intervalle de temps, perdre en rentabilité.
Par conséquent, et en dépit de la bataille judiciaire aujourd’hui pendante devant la Cour de Justice de l’Union Européenne pour tenter d’en finir avec l’acharnement législatif et réglementaire autour de la location meublée de courte durée, un seul mot d’ordre : vigilance.
[1] Press Airbnb, 1er juillet 2009.
[2] Cass, civ. 3ème, 12 septembre 2019,
[4] TI, Paris, 5èmearrondissement, 6 avril 2016.
[5] TI, Paris, 24 octobre 2018.
[6] CA, Paris, 5 juin 2018, n° 16/10.684
[7] Art. 1302-3, C. civil
[8] CA, Paris, 10 mai 2017, n° 15/15.007
[9] Cass, civ. 3ème, 8 mars 2018, n° 14-15.864
[10] Certaines communes peuvent, cependant, dispenser du respect de cette procédure selon les dispositions de la lettre des articles L. 631-7-1 A et L. 631-7-1 B du Code de la construction et de l’habitation. La lecture des délibérations du Conseil municipal en ce sens est donc recommandée.
[11] Liste des 18 villes concernées, Airbnb.
[12] Le Figaro Immobilier, 9 janvier 2019.
[13] Voir cette page pour le détail de la garantie et de la procédure.
[14] Déclaration Anne Hidalgo, 25 septembre 2019, BFM.
réf. : POUMEAUD (L.), "Location « Airbnb » : ces erreurs qui coûtent cher !", Doctrin'Actu octobre 2019, art. 98