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Pas de panique, PETRUS reste bel et bien protégé !

Dernière mise à jour : 29 août 2019


Comm. Cass., crim, 12 juin 2019, n°18-83298


Le 12 juin 2019, sur la toile, la nouvelle s’est propagée comme une trainée de poudre :

« Pomerol : le nom Petrus n’est pas protégé, tranche définitivement la justice » Sud-Ouest.fr

« Bordeaux : Le nom Petrus n’est pas protégé, tranche définitivement la justice » 20minutes.fr

«  Le château Petrus perd l’usage de son nom » Capital.fr

« Viticulture bordelaise : le nom Petrus n’est pas protégé, tranche définitivement la Cour de Cassation » France3-regions.francetvinfo.fr


Avertie en temps réel de l’arrêt rendu le jour même par la chambre criminelle de la Cour de cassation (1), force est de constater que la Presse (française, mais aussi belge et luxembourgeoise) s’est fait involontairement l’écho de ce qui s’avère en réalité être … une « fake news ».


Si par cette décision, la Haute juridiction rejette bien le pourvoi formé par la société du Château Petrus à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux du 3 avril 2018 (2), le contexte particulier de l’affaire et les fondements juridiques invoqués permettent de se rassurer quant à l’avenir du nom de l’un des plus célèbres grands vins de Bordeaux.


Sans prétendre à une quelconque exhaustivité factuelle ou procédurale, nous nous contenterons de rappeler chronologiquement :

  • Que la société du Château Petrus a porté plainte et s'est constituée partie civile après avoir constaté sur des sites Internet la commercialisation d'un vin présenté, selon elle, comme étant le second vin de Petrus ;

  • Qu’une information judiciaire a ainsi été ouverte contre MM. Stéphane et Jérôme Coureau et la société CGM Vins, dont ils étaient les cogérants associés, pour contrefaçon de marque et pratique commerciale trompeuse ;

  • Que par Ordonnance du 17 août 2015, ces derniers ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour avoir, en apposant sur les étiquettes de leur vin en caractère gras la seule mention « Petrus Lambertini 2010 », et en caractères fins inclus dans un symbole religieux, la mention « Major Burdegalensis 1208 », et en indiquant « second vin » alors qu'il n'existe pas de premier vin, commis une pratique commerciale trompeuse en créant une confusion avec un autre bien ou service, un nom commercial ou un signe distinctif de concurrent, en l'espèce en laissant penser que ce vin était le second vin de la société civile du Château Petrus ;

  • Que par jugement en date du 11 février 2016, le tribunal a déclaré les prévenus coupables de pratiques commerciales trompeuses et, par voie de conséquence, les a condamnés pénalement et civilement ;

  • Que toutes les parties ont relevé appel de cette décision ;

  • Que le 3 avril 2018, la 6ème chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Bordeaux a infirmé le jugement précité et débouté la partie civile de ses demandes aux motifs résumés suivants : « L'impression d'ensemble dégagée par l'étiquette du vin en cause[…] est radicalement différente de l'impression laissée par l'étiquette de Petrus », qu’« une utilisation habile de la marque pour attirer la clientèle » ne signifie pas la tromper ou risquer de la tromper.

Echaudée tant par le sens de l’arrêt que par les motivations des magistrats de la Cour, jugées sévères par certains commentateurs, la société du Château Petrus a formé un pourvoi en cassation pour tenter de faire casser et annuler la décision.


C’est ce pourvoi qui a donné lieu à l’arrêt de rejet du 12 juin dernier.


En effet malgré l’unique moyen soulevé par la société du Château Petrus, la chambre criminelle de la Cour de Cassation a considéré que « procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus » la Cour d'appel avait« justifié sa décision » en démontrant « que la pratique concernée n'était pas trompeuse ni susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique d'un consommateur de vin normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ».


Alors, quelle est donc la portée de ces décisions ?


Impactent-elles réellement la protection des marques verbales et semi-figuratives françaises et internationales composées en tout ou partie du terme PETRUS dont est titulaire la société civile du Château Petrus ?


A la première question, nous répondrons que la portée de ces décisions est très limitée.


D’une part, elles ont été rendues sur le fondement des dispositions du code de la consommation relatives aux seules pratiques commerciales trompeuses aux termes desquelles « Une pratique commerciale est trompeuse[…] lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d'un concurrent;[…] lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur » (L 121-2 du code de la consommation).


D’autre part, elles portent sur un cas d’espèce bien précis. Les magistrats ont ainsi été amenés à se prononcer sur l’usage d’une étiquette particulière au regard de cette réglementation.


Bien sûr, dans une certaine mesure, les arrêts rendus par la Cour d’appel de Bordeaux puis par la Cour de cassation créeront un précédent que ne manqueront pas d’invoquer les opérateurs qui essaieraient de s’inspirer de « l’habileté » de MM. Stéphane et Jérôme Coureau et de la société CGM Vins.


Ils devront toutefois être prudents puisque les décisions précitées ne sauraient être interprétées comme cautionnant tous les usages d’étiquettes de vin sur lesquelles serait apposé le nom PETRUS.


Chaque cas étant différent, si d’aventure une autre action de ce type venait à être initiée devant une juridiction pénale sur ce fondement, les magistrats se feraient alors leur propre appréciation au vu des nouvelles pratiques reprochées.


Surtout, il est peu probable qu’à l’avenir, pour des faits similaires, la société du Château Petrus décide d’adopter la même stratégie procédurale et, sans être devin, préférera se concentrer sur l’arsenal législatif à sa disposition par le code de la propriété intellectuelle.


Car, à la deuxième question, nous répondrons fermement par la négative.


A aucun moment, les magistrats saisis du litige n’ont eu à se prononcer sur la validité des marques de la société Château Petrus, voire la déchéance de ses droits et pour cause, il leur était demandé de se prononcer sur les prétendues pratiques commerciales trompeuses MM. Stéphane et Jérôme Coureau et de la société CGM Vins.


Or, nous savons que l’appréciation des magistrats en la matière est une appréciation circonstanciée des faits de la cause (« les juges énoncent que l'étiquette, complétée par sa contre-étiquette, ne laisse pas place à l'ambiguïté », « qu'à supposer que le consommateur moyen ne sache pas que « Petrus » est un vin de l'appellation « Pomerol », il peut vérifier ce point sans la moindre difficulté et ne pourra que remarquer que « Petrus Lambertini » est vendu sous l'appellation « côtes de Bordeaux » » …).


En l’espèce, ils concluent que l’usage circonstancié de l’étiquette MM. Stéphane et Jérôme Coureau et de la société CGM Vins ne doit pas être condamné pénalement.


Il importe de relever que leur analyse ne saurait être comparée ou transposée à celle du risque de confusion en matière de contrefaçon de marque, qui plus est, devant un juge civil.


Au regard de ces éléments, les droits exclusifs de la société du Château Petrus sur le nom PETRUS demeurent inchangés.


Non seulement, cette dernière pourra continuer à se prévaloir des dispositions des articles L 713-2 et 3 du code de la propriété intellectuelle relative à la contrefaçon pour faire interdire et condamner notamment l’imitation, la reproduction et/ou l’usage de ses marques en lien avec du vin comme elle a déjà eu l’occasion de le faire par le passé à l’encontre de la SCEA Château Petrus Gaïa (3).


Surtout, à l’avenir, compte tenu de la renommée incontestable de son nom, la société du Château Petrus serait même inspirée d’agir au seul plan civil sur le fondement de l’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle au terme duquel :


« La reproduction ou l'imitation d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière. de faire condamner sur le fondement ».


Ce qui lui permettra certainement d’éviter ce genre de déconvenues.


Il y a d’ailleurs fort à parier que les Conseils de la société du Château Petrus avaient anticipé le possible rejet de leur pourvoi par la chambre criminelle de la Cour de cassation et qu’ils ont d’ores et déjà assigné en contrefaçon devant le Tribunal de grande instance de Bordeaux MM. Stéphane et Jérôme Coureau et la société CGM Vins…


Pas de panique, le nom PETRUS reste bel et bien protégé.


 

(1) Cass. Crim., 12 juin 2019, n°18-83298 ;


(2) CA Bordeaux, 6e chbre corr., 3 avril 2018, n° M.P. c/ S.A.R.L. CGM VINS, Coureau Jérôme et Coureau Stéphane ;


(3) cf. notamment CA Bordeaux, 1echbre. civ., 22 mai 2014 n°08/02054 et Cass. Com., 8 mars 2016, n°14-21546.


Photo copyright ©BIDAIA : bidaia.fr.



réf. : MAURIAC (V.), "Pas de panique, PETRUS reste bel et bien protégé !", Doctrin'Actu juin 2019, art. 74

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