Réflexions d’un notaire sur « L’autorisation de déplacement » en période de confinement…

Chez un notaire, chez un juriste, les principes ont la vie dure…
Premier principe : le notaire est nommé par l’Etat, il en est le délégataire dans le cadre de ses fonctions ; il n’a donc pas à avoir d’état d’âme sur l’exécution des lois, qu’il se doit d’appliquer, quand bien même seraient-elles contraires à ses convictions personnelles.
Deuxième principe : le notaire a l’obligation, en vertu de son Règlement national, de se tenir informé de l’évolution du droit ET de la société. A ce titre, lorsque le confinement est décrété, il fait en sorte de se conformer aux textes en vue, comme le dit encore son règlement national, de donner la meilleure image de sa profession. Dont acte !
Troisième principe : qui découle du deuxième, il doit s’informer de l’évolution du droit.
Il doit, d’abord, se souvenir des enseignements reçus à la faculté et les appliquer, il doit, ensuite, conserver le bonsens nécessaire à sa fonction et aussi, peut-être, prendre du recul et parfois même garder un certain esprit critique.
Quel ne fut pas mon étonnement, au nom de ces principes, de découvrir sur le site de notre Gouvernement, lemodèle d’autorisation de déplacement en période de confinement.
Loin de moi l’idée d’en contester le fondement ou l’utilité : on en comprend tout le sens et l’enjeu, et bien entendu, le notaire que je suis respectera les textes à la lettre et exhorte l’ensemble des français à en faire de même, c’est là une simple question de bon sens et d’esprit civique.
Mais tout de même, il m’est revenu en mémoire mes cours de droit civil de première année, dispensés par le si savant, si génial, si généreux Professeur Alex Weil, doyen de la Faculté de droit de Strasbourg, qui nous enseignait qu’en droit, il n’est pas possible de se constituer une preuve à soi-même !
La nouvelle attestation de déplacement me parait donc constituer une nouvelle catégorie juridique, dont le moinsqu’on puisse dire est qu’elle ne donnera surement pas naissance à une thèse de doctorat d’Etat…
Mais comme se plaisait à le dire Coluche : « C’est nouveau, ça vient de sortir ! ».
Ma grogne est passée, mais ma conviction demeure…
réf. : CRÔNE (R.), "Réflexions d’un notaire sur « L’autorisation de déplacement » en période de confinement…", Doctrin'Actu mars 2020, Dossier spécial Covid-19, art. 2